Prairie de Mauves, tout le monde connaît le ronronnement du fourgon Vito noir d’Alexandru, son étoile Merco ajoutée sur le pare-brise, ses rétroviseurs argentés qui renvoient la lumière. Ce 9 septembre, c’est le premier jour des vendanges dans le vignoble nantais. Conseiller France Travail improvisé du bidonville, l’épais gaillard se déplace de famille en famille et embarque les plus motivés. «Il me faut 20 personnes au total», assure-t-il d’un ton badin, sûr qu’il y parviendra. Salarié d’un groupement d’employeurs de la région, Alexandru, lui-même rom, vient souvent ici recruter des saisonniers. Il les achemine ensuite directement au travail, courber l’échine dans les allées de muscadet ou trier la mâche sous les grandes serres des maraîchers. Autour de lui, le campement de Mauves est sorti de sa torpeur estivale. Les familles revenues de Roumanie. Le terrain boueux gonflé des pluies diluviennes de la veille, jonché de carcasses de voitures et de bennes d’ordures. Au beau milieu de la piste, un rat crevé gît, les entrailles à l’air, du rouge vif sur la gadoue marron.

Avec ses sept hameaux et ses 700 à 1 000 occupants (dont un tiers de mineurs, aux trois quarts non scolarisés), le campement de la prairie de Mauves a hérité d’un triste record : il serait le plus grand bidonville de France métropolitaine – même si le chiffre reste difficile à vérifier. Situé sur l’ancien terrain d’une déchèterie, dissimulé entre la Loire et une voie ferrée au pied d’une cheminée bleu azu