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Procès

Ourse Caramelles tuée dans les Pyrénées : le chasseur condamné à quatre mois de prison avec sursis

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Le tribunal de Foix a rendu sa décision ce mardi 6 mai concernant 16 hommes jugés pour avoir organisé une battue illégale à l’origine de la mort du plantigrade. Le tireur présumé était accusé de «destruction d’espèce protégée».
Un ours brun dans les Pyrénées. (Arterra/Getty Images)
publié le 6 mai 2025 à 12h22
(mis à jour le 6 mai 2025 à 14h38)

L’homme n’aurait pas dû se trouver sur le territoire de l’animal, mais avait-il d’autres choix que d’ouvrir le feu ? C’est l’épineux dilemme auquel a répondu ce mardi 6 mai le tribunal correctionnel de Foix (Ariège), au sujet de 16 chasseurs jugés pour la mort de l’ourse Caramelles en 2021, ayant participé à la battue dans une réserve naturelle.

L’homme de 81 ans auteur du tir mortel sur l’animal protégé a été condamné à quatre mois de prison avec sursis. Une peine conforme aux réquisitions du parquet à l’issue de l’audience, le 19 mars, qui avait aussi demandé deux ans d’interdiction de port d’arme, de suspension du permis de chasse et 1 800 euros d’amende. Le procureur avait considéré que le chasseur «a pris sciemment le risque d’une confrontation avec l’ourse dans la réserve, qui est une zone de quiétude» pour cet animal.

En outre, les quinze autres chasseurs ont été condamnés à des amendes de quelques centaines d’euros et des retraits du permis de chasse, l’ensemble des prévenus devant verser collectivement plus de 60 000 euros aux associations environnementales constituées parties civiles.

Le 20 novembre 2021, les seize hommes organisaient une battue illégale dans une réserve naturelle d’Ariège, dans les Pyrénées. L’aire étant protégée, la pratique de la chasse y est interdite. Le groupe s’y était pourtant retrouvé pour traquer des sangliers, lorsqu’il a croisé la route de Caramelles, ourse de 150 kilos, accompagnée de ses deux oursons.

A la barre du tribunal, le principal prévenu a admis avoir ouvert le feu sur Caramelles. Jugé pour «destruction d’espèce protégée», il s’est justifié, disant s’être trouvé en état de «légitime défense». «Elle m’a attrapé la cuisse gauche, j’ai paniqué et j’ai tiré un coup de carabine, a relaté l’octogénaire. Elle a reculé en grognant, elle m’a contourné et m’a mordu le mollet droit. Je suis tombé. Elle me bouffait la jambe. J’ai réarmé ma carabine et j’ai tiré. Elle est morte cinq mètres plus bas.»

L’avocat du tireur s’est dit «dans l’attente sereine du jugement à venir».

«Série d’infractions»

Une vingtaine d’associations défendant la présence de l’ours dans les Pyrénées se sont portées partie civile lors du procès. L’argument de la légitime défense passe mal à leurs yeux. Alain Reynes, de l’association Pays de l’ours, s’interroge : «Dans quelle mesure peut-on faire valoir l’état de nécessité, alors qu’on a commis une série d’infractions qui ont conduit à la mort de l’ourse Caramelles ?» Ces associations ont demandé 100 000 à 175 000 euros à l’encontre du chasseur : l‘équivalent à leurs yeux du coût de remplacement de l’ourse abattue.

De leur côté, les chasseurs se défendent en invoquant le fait qu’ils se rendaient dans cet endroit depuis des années. Mais pour l’avocate des douze associations, le fait que la chasse était fréquente dans cette zone «n’enlève rien à la caractérisation du délit». Elle rappelle que «les parties civiles ne sont pas opposées à la chasse, mais pour qu’elle ne nuise pas à l’environnement, il faut respecter ses règles. Les ours sont menacés d’extinction, la disparition d’une femelle reproductrice, c’est grave et préjudiciable.»

Les plantigrades sont nombreux dans cette zone. C’est d’ailleurs dans les Pyrénées qu’on trouve la plus forte population d’ours en France. Ils seraient entre 97 et 127 dans cette chaîne de montagnes, selon l’Office français de la biodiversité, grâce à la réintroduction de l’espèce. Elle reste toutefois menacée.

En 2008, un autre chasseur avait été jugé pour avoir abattu l’ourse Cannelle dans les Pyrénées-Atlantiques. Tuée quatre ans plus tôt, elle était la dernière ourse de souche pyrénéenne. Relaxé en première instance, l’homme avait été condamné en appel à indemniser diverses associations de protection de la nature à hauteur de 10 000 euros.

Caramelles et Cannelle sont aujourd’hui visibles au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse.

Mise à jour : à 14 h 38, avec l’ajout de la décision rendue par le tribunal.