Pays riches mais enfants pauvres. Selon l’Unicef, 69 millions d’enfants subissent quotidiennement la pauvreté alors qu’ils vivent dans les 39 pays les plus riches de l’Union européenne et de l’OCDE en 2021, soit plus d’un enfant sur cinq. Dans sa dernière publication portant sur «la pauvreté infantile au milieu de la richesse», rendue publique mardi 5 décembre, l’agence onusienne pointe spécifiquement le manque de politiques adéquates en France.
Entre les périodes 2012-2014 et 2019-2021, le nombre de tout-petits vivant dans la pauvreté a baissé d’environ 8 % dans les pays passés en revue. Ce qui représente «environ 6 millions d’enfants» pauvres en moins sur 291 millions, indique l’Unicef Innocenti, la branche recherche de l’agence onusienne à l’origine du rapport. Pour autant, en se penchant sur le taux de pauvreté infantile moyen par pays entre 2019 et 2021, le bât blesse pour la France. Avec un taux atteignant les 19,9 %, «relativement élevé» pour les auteurs du rapport, l’Hexagone se positionne à la 27e place sur les 39 pays de l’Union européenne et de l’OCDE.
En France, 12,7 % des moins de 16 ans étaient confrontés à des privations matérielles en 2021, non sans effet sur leur vie future. Ces jeunes décrochent plus facilement à l’école. Ils ont donc «moins de chances d’aller jusqu’au bout de leur scolarité et gagnent moins à l’âge adulte», soulignent les auteurs du rapport. Autre constat encore plus alarmant, l’agence onusienne montre que dans certains pays, une personne née dans une zone défavorisée peut avoir une espérance de vie jusqu’à huit ou neuf ans inférieure à celle d’une personne née dans une zone riche.
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«Cri d’alarme»
«Les effets de la pauvreté sur les enfants sont à la fois persistants et préjudiciables, a commenté Bo Viktor Nylund, directeur du bureau mondial de recherche et de prospective Innocenti de l’Unicef. Pour la plupart d’entre eux, cela signifie qu’ils grandissent sans avoir accès à une alimentation nutritive suffisante, à des vêtements, à des fournitures scolaires ou à un endroit chaleureux où ils peuvent se sentir chez eux. Cela les empêche de jouir de leurs droits et peut nuire à leur santé physique et mentale.»
Selon le classement établi par Innocenti – en agrégeant les taux de pauvreté infantile par pays de la période 2012-2014 avec les taux par pays de la période 2019-2021 –, c’est même pire pour la France qui se retrouve à la 33e place, accompagnée par les pays les plus riches de l’OCDE, comme la Suisse (30e) et le Royaume-Uni (37e).
Une situation «inacceptable» que fustige Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France : «Ce rapport est un cri d’alarme qui doit pousser le gouvernement à agir d’urgence et de manière plus efficiente pour chaque enfant.»
«Les allocations ont un effet immédiat sur la réduction de la pauvreté»
Si les enfants de ces pays connaissent de telles situations de précarité, c’est en raison d’un «manque de volonté politique» d’endiguer ce phénomène. Pour établir ce constat, l’équipe de chercheurs derrière ce rapport détaille qu’en Pologne et en Slovénie, le taux de pauvreté infantile a drastiquement été réduit, -38 % pour la première et -31 % pour la seconde. Parallèlement, dans cinq pays à revenu élevé, à savoir le Royaume-Uni, la France, l’Islande, la Norvège et la Suisse, les rapporteurs ont identifié les plus fortes augmentations du nombre d’enfants vivant dans des ménages en situation de difficultés financières depuis 2014 (environ +20 % pour le premier et +10 % pour les autres).
Selon l’Unicef, le succès de la Slovénie repose en partie sur des politiques sociales efficaces : «Un travail décent assorti d’un salaire et de conditions adéquates constitue une source de revenus vitale et fiable pour les ménages avec enfants», détaillent les rédacteurs du rapport. Ceux-ci insistent sur la nécessité de mettre en place des outils de protection sociale spécifiques pour assurer le bien-être des plus jeunes. «Les allocations en espèces ont un effet immédiat sur la réduction de la pauvreté. Les décideurs peuvent soutenir les ménages en accordant la priorité aux prestations familiales et aux allocations pour enfants et en augmentant les dépenses correspondantes», a ajouté Bo Viktor Nylund.
Pour l’Unicef France, l’Etat s’est désengagé de la lutte contre une précarité qui ne cesse de croître, notamment en raison de l’inflation. Adeline Hazan ne manque pas d’assener : «Alors que les acteurs de la société civile prennent leur part activement dans la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, il serait grand temps que la France prenne désormais complètement la sienne.»