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Interview

Petites mains de l’IA dans les pays du Sud : «Il n’y a pas de carrière pour un microtravailleur ou un modérateur»

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Espérant sortir de la pauvreté, de nombreuses personnes se tournent vers le «microtravail» dans un secteur qui ne leur assure ni progression ni protection sociale, explique le chercheur Antonio Casilli.
En 2021, l'université d'Oxford estimait à 160 millions le nombre de personnes travaillant sur des plateformes à distance au niveau mondial. (Gordwin Odhiambo/Libération)
publié le 20 mars 2024 à 18h01

Professeur de sociologie à l’Institut polytechnique de Paris, Antonio Casilli mène depuis plusieurs années des travaux de recherche sur l’émergence du microtravail (ou travail à clic), ces tâches segmentées qui ont connu un essor particulier avec l’expansion des activités liées au numérique. Selon lui, la polarisation des métiers de l’intelligence artificielle s’inscrit dans cette dynamique déjà bien établie.

Existe-t-il une différence de profil sociologique entre les travailleurs de l’IA du Nord et du Sud ?

Dans les pays du Sud, on trouve des travailleurs qui acceptent des rémunérations plus faibles dans un contexte de pauvreté. Ces métiers représentent pour eux l’espoir d’une progression de carrière. On retrouve des personnes qui ont systématiquement un très haut niveau de qualification, et pas forcément qu’en informatique. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas des compétences alignées avec leur travail. Ils n’ont pas non plus la rémunération et la carrière qui correspondent à leur niveau d’études. Au cours de nos recherches, on a interrogé des personnes qui avaient des masters en agronomie, des spécialisations en comptabilité ou en sciences sociales et humaines, des masters ou des doctorats et qui acceptaient de travailler pour ces plateformes pour des rémunérations faibles. Ce qui n’est pas