Professeur de sociologie à l’Institut polytechnique de Paris, Antonio Casilli mène depuis plusieurs années des travaux de recherche sur l’émergence du microtravail (ou travail à clic), ces tâches segmentées qui ont connu un essor particulier avec l’expansion des activités liées au numérique. Selon lui, la polarisation des métiers de l’intelligence artificielle s’inscrit dans cette dynamique déjà bien établie.
Enquête
Existe-t-il une différence de profil sociologique entre les travailleurs de l’IA du Nord et du Sud ?
Dans les pays du Sud, on trouve des travailleurs qui acceptent des rémunérations plus faibles dans un contexte de pauvreté. Ces métiers représentent pour eux l’espoir d’une progression de carrière. On retrouve des personnes qui ont systématiquement un très haut niveau de qualification, et pas forcément qu’en informatique. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas des compétences alignées avec leur travail. Ils n’ont pas non plus la rémunération et la carrière qui correspondent à leur niveau d’études. Au cours de nos recherches, on a interrogé des personnes qui avaient des masters en agronomie, des spécialisations en comptabilité ou en sciences sociales et humaines, des masters ou des doctorats et qui acceptaient de travailler pour ces plateformes pour des rémunérations faibles. Ce qui n’est pas