D’abord, la douleur. Alors que le verdict du procès des attentats du Bataclan, du Stade de France et des terrasses de l’Est parisien sera rendu ce mercredi soir, c’est d’abord la douleur qui s’impose. Cette douleur, ces larmes, cette souffrance – physique ou mentale –, cette horreur, ces absences, cette peur, ces blessures, ces morts qui ont pendant les premières semaines du procès, réservées aux parties civiles, saisi la salle d’audience. Parfois jusqu’à l’effroi. Mais aussi la douleur qui n’est pas arrivée jusqu’à la barre de la cour d’assises spéciale, parce que certaines victimes en avaient décidé ainsi, ou n’ont pas pu décider autre chose. Mais aussi celle qui ne s’éteindra pas une fois le verdict prononcé. Car ces mots, cette douleur, ces larmes et ces morts ne peuvent pas être des mots de la fin, écrits pour oublier, tourner la page, se souvenir une dernière fois. Seules les victimes ont le droit de tourner la page, d’essayer de tourner la page, d’oublier, d’essayer d’oublier. Chacune se débrouillant comme elle peut. C’est peut-être cela qu’aura permis ce procès. Certaines des parties civiles le disent en tout cas : ces dix mois d’audience auront permis à certaines d’entre elles d’essayer d’avancer, de se reconstruire, chacune à sa manière, en étant là, dans la salle, ou scotché à la webradio qui retransmettait les audiences, un peu, beaucoup, ou pas du tout.
Témoignage
Ensuite la force. Celle que donne ce procès à notre démocratie. Elle est par les temps qui courent, ici en France, ailleurs en Europe, outre-Atlantique aussi, suffisamment critiquée, parce que parfois critiquable, menacée, affaiblie, menacée, pour se réjouir que ce procès ait été digne. Exemplaire disent certains, quand d’autres chipotent sur telle ou telle séquence. Peu importe. Car, à l’exemplarité, on préfère de toute façon la dignité, celle qui aura permis à ce procès hors norme non seulement de se tenir, mais d’être à la hauteur de l’enjeu. L’enjeu bien sûr de prononcer des peines. Mais aussi de creuser ce fossé qui sépare, de montrer ces différences qui distinguent l’obscurantisme des fanatiques islamistes qui ont commis ou commandité ces attentats, de l’humanité, parfois tremblante, de notre démocratie.