Dans l’obscurité de la salle, des corps miment le travail à la chaîne. D’autres, uniformes policiers sur le dos, rudoient des hommes silencieux. Les poings levés après les pas de hip-hop, chacun relève la tête et marche d’un pas déterminé. En face, la répression s’abat, violente et sourde. Les soixante-cinq minutes des Disparus, la pièce de Mehdi Slimani jouée début octobre à la Maison de la musique de Nanterre, racontent un massacre, celui du 17 octobre 1961. Dix ans après sa création et une cinquantaine de représentations plus tard, la troupe remonte sur scène, à l’occasion des soixante ans de cette nuit de terreur en plein Paris.
L’art pour rendre un corps à ces «oubliés de la Seine», comme dit le chorégraphe. Pour transmettre l’histoire de ce mardi d’automne pluvieux, si longtemps passé sous silence. Ce jour-là, des milliers d’Algériens répondent à l’appel d’une marche pacifique lancée par la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN). Enlisée en Algérie, la guerre s’est déplacée à Paris depuis plusieurs mois. Entre attentats de l’OAS et bombes du FLN, la tension est extrême.
«Mes parents ne se victimisaient pas, ils étaient dignes»
Depuis le début du mois, les «Français musulmans d’Algérie» sont soumis à un couvre-feu, instauré par Maurice Papon, préfet de police de la capitale. Le 17 Octobre, entre 20 000 et 30 000 personnes se déversent dans les rues parisiennes pour manifester contre cette mesure. Les premiers arrivés sont arrêtés aux sorties de métro. Autour de la place Saint-Michel, on