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Justice

39 migrants morts dans un camion en Angleterre : jusqu’à 10 ans de prison pour les prévenus jugés à Paris

Dix-huit des 19 personnes jugées pour leur participation à un vaste réseau d’immigration clandestine, qui avait conduit à la mort 39 Vietnamiens en 2019, ont été condamnées ce vendredi 10 novembre à Paris à des peines allant du sursis à 10 ans d’emprisonnement ferme.
Le camion contenant 39 cadavres a été découvert dans le parc industriel de Waterglade à Grays, à l'est de Londres, le 23 octobre 2019. (Ben Stansall/AFP)
publié le 10 novembre 2023 à 21h44

Trente-neuf corps dans un camion : ce drame de l’immigration illégale avait profondément choqué en octobre 2019. Quatre ans après la découverte d’un charnier roulant, en Angleterre, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2019, l’heure est à la justice. Dix-huit des 19 personnes jugées pour leur participation à un vaste réseau d’immigration clandestine du Vietnam vers l’Europe ont été condamnées ce vendredi 10 novembre à Paris à des peines allant du sursis à 10 ans d’emprisonnement ferme.

Le matin du 22 octobre 2019, 31 hommes et huit femmes, âgés de 15 à 44 ans, tous originaires du Vietnam, étaient montés dans une remorque, dans le nord de la France. Le conteneur était parti du port belge de Zeebruges en direction de l’Angleterre où a eu lieu la macabre découverte après une nuit de voyage, le 23 octobre 2019, dans la zone industrielle de Grays, à l’est de Londres. Les migrants avaient été retrouvés morts d’asphyxie et d’hyperthermie.

Parmi les différents prévenus jugés, quatre Vietnamiens ont été condamnés pour homicides involontaires. «Vous étiez impliqués au premier plan de l’organisation de traversées de personnes en situation de précarité dans l’espoir d’une vie meilleure», a martelé la présidente du tribunal Carole Bochter. «Vous avez créé les conditions qui ont conduit au décès de ces personnes. Si elles avaient été moins nombreuses, peut-être auraient-elles survécu», a-t-elle encore dénoncé. Contre ces quatre prévenus, le tribunal a prononcé des peines de neuf à dix ans d’emprisonnement, assorties d’interdiction définitive du territoire national. Pour l’avocat de Tony, l’un d’entre eux, condamné à 10 ans de prison, cette peine est un véritable «coup de massue». «On considère donc que des hébergeurs ont la même responsabilité qu’un passeur», a déclaré Me Gaspard Lindon.

«Un dessein purement lucratif»

Le tribunal a condamné les quatre autres prévenus vietnamiens - dont deux absents au procès et considérés en fuite -, responsables de l’organisation du transport et de l’hébergement des migrants, à des peines d’un à dix ans de prison ferme, pour aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France, commise en bande organisée, ainsi que pour association de malfaiteurs.

Tous les autres prévenus ont été relaxés pour l’association de malfaiteurs mais ont été condamnés pour aide au séjour irrégulier commise en bande organisée. «L’entente préalable en bande organisée paraissait caractérisée via des rencontres entre les membres du réseau, des contacts téléphoniques, des locations d’appartements, des systèmes de compensation», a déclaré la présidente Bochter. Parmi eux, sept chauffeurs de taxi de nationalité française, algérienne ou marocaine. «Le tribunal a considéré que vous avez participé à ces faits en connaissance de cause dans un dessein plus large, purement lucratif», a souligné Carole Bochter lors de l’annonce de peines allant de six mois de prison avec sursis à trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis, assorties d’amendes de 2 000 à 3 000 euros.

Un huitième chauffeur de taxi, de nationalité française, a été totalement relaxé. «Vous n’avez compris qu’à l’arrivée de la seconde course. L’élément intentionnel de l’infraction fait défaut», a indiqué le tribunal. Concernant les trois propriétaires d’appartements où avaient séjourné les migrants, deux Chinois et un Français, les peines vont de 6 à 12 mois de prison avec sursis, avec des amendes de 5 000 à 10 000 euros.

Des procédures judiciaires au Royaume-Uni, au Vietnam et en Belgique

Les avocats des parties civiles, qui représentent les familles de sept victimes, se sont réjoui que ce procès ait pu «mettre la lumière sur la dangerosité de l’activité de ces réseaux qui sont aujourd’hui sévèrement réprimés par la justice».

Parallèlement à la France, des procédures judiciaires ont été menées au Royaume-Uni, au Vietnam et en Belgique. A Londres, un Roumain d’une quarantaine d’années désigné comme le chef du réseau a été condamné en janvier 2021 à 27 ans de prison pour homicides involontaires et trafic de migrants. D’autres suspects, notamment les chauffeurs successifs du camion, ont écopé de 12 à 20 ans d’emprisonnement. En Belgique, un Vietnamien accusé d’avoir été le chef de la cellule belge du réseau a été condamné à 15 ans début 2022.