Leur maire, Gilles d’Ettore (LR), en garde à vue ? Les habitants, seniors le plus souvent, croisés jeudi 21 mars dans les rues d’Agde, «tombent des nues» après avoir appris la nouvelle dans la presse. Yves, 76 ans, «très content» de l’action du maire qu’il a croisé à plusieurs reprises lors d’événements associatifs, n’en revient pas. Ce qui le stupéfie plus encore, c’est la «voyante et medium», également en garde à vue, avec qui l’élu est soupçonné d’avoir détourné de l’argent public. La plupart n’en ont jamais entendu parler. Seule Nathalie (1), 60 ans, prétend savoir que «beaucoup de gens vont chez cette voyante» qui aurait pignon sur rue. Elle, qui juge Gilles d’Ettore «avenant et plutôt sympathique», partage néanmoins la méfiance généralisée à l’égard des hommes politiques et soupçonne le pire.
Les contours de l’affaire se sont précisés ce jeudi soir, après de nouvelles précisions données par le procureur de Béziers, informant du placement en détention provisoire du maire et de la fameuse voyante après leur mise en examen. L’élu pour «détournements de fonds, prises illégales d’intérêts et corruption» ; la voyante et son mari – qui demeure libre – pour «escroqueries, recel de détournements de fonds par une personne dépositaire de l’autorité publique, recel de corruption et travail dissimulé». C’est bien cette voyante, médium et «guérisseuse», une auto-entrepreneuse de 44 ans ayant acquis «une certaine notoriété», selon les mots du parquet, qui est au cœur de l’histoire. Amie du maire d’Agde depuis 2020, elle lui aurait fait croire, comme à d’autres, qu’il recevait des appels d’un être surnaturel et en aurait tiré avantage.
«Une voix d’apparence masculine» que le maire croyait dotée de pouvoirs
Pour ce faire, elle est soupçonnée d’avoir utilisé un «stratagème consistant à modifier sa voix auprès de nombreux interlocuteurs, y compris les membres de sa famille et ses proches amis», d’après le communiqué du parquet, lui permettant d’utiliser «au téléphone cette voix d’apparence masculine, posée et rauque». Et pas qu’au téléphone, d’après Midi Libre, qui décrit une «voyante ventriloque, arrivant donc à produire des sons étonnants en bougeant imperceptiblement les lèvres». «Quand on regarde cette femme et qu’on entend cette voix d’homme qui surgit, on ne peut pas imaginer qu’elle sorte de ce corps. C’est bluffant», explique au journal local une source proche de l’enquête, ayant assisté à une démonstration de cet étonnant talent en garde à vue.
«Cette voix incitait principalement ses interlocuteurs à se soucier du bien-être de cette femme, y compris matériellement», précise le parquet. Gilles d’Ettore, 55 ans, aurait obéi à ses ordres, recrutant cinq personnes de l’entourage de la voyante, dont son mari, nommé directeur des services techniques de la ville, et détournant des fonds ou biens publics, selon le procureur, «pour lui offrir de nombreuses largesses ou prestations». Le maire d’Agde aurait été intimement convaincu de l’existence de «la voix» et que celle-ci «était douée de pouvoirs surnaturels», toujours d’après le procureur. Il n’aurait réalisé avoir été victime d’une escroquerie que lorsque les enquêteurs lui ont montré une vidéo de la femme en train de modifier sa voix. En revanche, il nie jusqu’ici avoir commis un quelconque délit, a précisé le communiqué du parquet.
Des habitants critiques de sa gestion
Dans les rues d’Agde, avant même de connaître tous ces détails, certains habitants demeuraient critiques quant à l’action du maire. Car, ce que lui reprochent avant tout nombre d’Agathois rencontrés sur le marché de plein air, au bord du paisible fleuve Hérault, c’est d’avoir délaissé le centre-ville qui a perdu ses petits commerces et s’est dégradé, au profit des sites touristiques du Cap d’Agde et du Grau d’Agde, livrés aux appétits des investisseurs. «Les affaires immobilières, au Cap, ça n’arrête pas», assurent de concert Nadine, 68 ans, et Mireille, 81 ans, installées dans le centre-ville agathois depuis leur retraite et, pour la deuxième, nostalgique la cité «vivante» de sa jeunesse et ses boutiques de vêtements, de bijoux, où elle avait acheté sa tenue de mariage.
Bien loin de cette surprenante affaire judiciaire, Nelly élégante sexagénaire qui habite depuis trois ans dans la cité méridionale, se focalise de son côté sur l’inaction municipale dans le cœur de ville, où elle loge, alors que «les rues sont sales» et qu’augmente la taxe foncière, «déjà deux fois en trois ans». Une question de priorités.
(1) Le prénom a été changé