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Répression

A Avignon, une vingtaine de cyclistes écopent d’amendes de 800 euros pour une action lors des manifestations du 18 septembre

Les participants d’un cortège se voient reprocher une «entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique» lors de la dernière journée de mobilisation intersyndicale.

Lors de la manifestation du 18 septembre, à Avignon. (Marie Marcel /SIPA)
Publié le 02/10/2025 à 12h36

Leur action, inspirée des vélorutions, se chiffre à plusieurs milliers d’euros. Une vingtaine de cyclistes se sont vu adresser des contraventions délictuelles de 800 euros pour «entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique» alors qu’ils participaient à un cortège non déclaré dans les rues d’Avignon, en marge de la première journée de mobilisation syndicale du 18 septembre contre l’austérité budgétaire.

Selon le code de la route, cette infraction concerne toute action qui vise à entraver ou gêner intentionnellement la circulation sur les voies publiques, notamment en plaçant et en jetant des objets, ou en se positionnant sur la chaussée. Depuis mars 2025, une circulaire permet de sanctionner ces faits partout en France avec une amende forfaitaire délictuelle (AFD). C’est-à-dire qu’un groupe de cyclistes, comme c’est le cas ici, peut se voir adresser une amende, plutôt qu’un procès – avec pour but de réduire les délais dans les tribunaux si le contrevenant ne conteste pas les faits.

«Disproportion» de la sanction

Sabine (1) fait partie des cyclistes verbalisés, qui commencent à recevoir leurs amendes. Jointe par Libé mercredi 1er octobre, elle explique : «On a circulé ensemble en groupe.» Pendant environ une heure et demie, les manifestants sont «en mouvement constant, sans intention de bloquer, mais de ralentir», retrace-t-elle. Et de préciser que les participants au convoi «occupaient partiellement la voie et veillaient à laisser passer les voitures». Partis du palais des Papes à 15 heures, ils cheminent ainsi en direction d’une zone commerciale, suivis à distance par trois policiers – eux aussi à vélo – «plutôt bienveillants et distants» de quelques mètres.

C’est sur le chemin du retour, sur un axe limité à 30 km/h, qu’«une voiture de police et trois véhicules de la brigade anticriminalité avec chacune quatre agents à l’intérieur» leur demandent de se mettre sur le côté, continue Sabine. Après des contrôles d’identité, les forces de l’ordre annoncent que les cyclistes vont tous recevoir une amende, minorée à 640 euros si elle est payée dans les quinze jours – à compter du 25 septembre dans le cas de celle de Sabine.

Vous vous rappelez, l'histoire des 20 cyclistes verbalisés pour avoir ralenti la circulation le 10 septembre ? Ils ont reçu les PV (amende de 800€/personne), pour "entrave à la circulation", un nouveau délit créé à la suite des manifs contre la réforme des retraites. Le récit de la journée ⤵️

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— PolGM (@polgm.bsky.social) 30 septembre 2025 à 15:50

Le groupe dénonce aujourd’hui la «disproportion» de cette sanction, après une action «pacifique et ouverte au dialogue». Ils ont l’intention de la contester. Sabine souligne un sentiment «d’injustice et d’intimidation» et estime que ces amendes participent à «étouffer une forme de contestation». Elle note par ailleurs qu’«aucune sommation préalable» ne leur a été faite. Contactée à propos du contexte dans lequel ont été dressées ces amendes, la police n’a pas donné suite.

«Elément intentionnel»

Selon l’avocat spécialiste du droit routier Antoine Régley, depuis le mouvement des gilets jaunes – dont plusieurs ont été condamnés pour entrave à la circulation –, la répression de ce délit est désormais plus sévère, notamment du fait de ces AFD. Mais au-delà de la constatation de cette infraction délictuelle par les forces de l’ordre, «il faut démontrer qu’il y a un élément intentionnel», note l’avocat. «La personne qui dit “je participe à une manifestation” va pouvoir jouer sur le fait qu’à aucun moment elle n’a voulu gêner.» Dans le cadre d’une opération escargot, «à partir de quel moment on considère que le vélo roule anormalement ?» questionne Me Antoine Régley.

Le conseil soulève un autre point : «La vraie question qui va se poser, c’est s’il a été laissé une possibilité d’un passage à la circulation». Pour lui, ce texte est de nature à venir «attenter au droit d’exprimer son mécontentement de manière pacifique» : les contrevenants pourraient se servir de leur liberté de manifester pour demander un classement sans duite. Et de questionner le «deux poids deux mesures» lorsque des opérations escargot sont menées par d’autres militants, comme les agriculteurs ou les taxis.