Ce samedi, à Biarritz, une foule de plus de 1 000 personnes a rendu un dernier hommage à Federico Martin Aramburu, homme de «conviction», «révolté par l’injustice». Les obsèques de l’ex-international de rugby argentin, tué par balles à l’âge de 42 ans le samedi 19 mars à Paris, ont réuni le monde du rugby, ses anciens partenaires de jeu et amis, mais aussi ses proches et toute la communauté argentine du Sud-Ouest.
L’ancien rugbyman, installé à Biarritz depuis la fin de sa carrière sportive, a trouvé la mort au petit matin, dans le VIe arrondissement parisien, après une altercation au bar Le Mabillon. Deux hommes sont soupçonnés d’être les tireurs : Loïk Le Priol, néofasciste de 27 ans et principal suspect, ainsi que Romain Bouvier, 31 ans, militant de l’extrême droite. Les deux hommes ont été interpellés après quelques jours de cavale. Une femme, Lison B., a, elle, été interpellée le jour des faits et est suspectée d’être la conductrice de la voiture, est également mise en examen pour «complicité d’assassinat».
«Des gens à l’opposé de tes valeurs»
Lors de la cérémonie, célébrée en français et en espagnol par un prêtre biarrot proche de la famille, il a été question de la «haine», à l’origine de la mort de Federico Martin Aramburu, et aussi «d’amour». Surtout dans la bouche de la mère du défunt, Cecilia, qui a rejeté «la cruauté» et «l’intolérance». «La solution à tout ça n’est ni la justice, ni les Etats, ni la politique» mais l’éducation, a déclaré dignement la mère, «afin que nos enfants ne connaissent pas la haine». Dans la foulée, l’ami de toujours, Roger Aguerre, ex-entraîneur au sein du Biarritz Olympique où a évolué Federico Martin Aramburu entre 2005 et 2006, a dit «sa tristesse et sa colère» avant de lui rendre un «dernier abrazo». «Ce sont des actes posés par des gens à l’opposé de tes valeurs et tu as défendu tes convictions ce soir-là.»
Le 19 mars, dans un établissement parisien de Saint-Germain-des-Prés, Federico Martin Aramburu avait pris la défense d’un homme que le groupe de Loïk Le Priol et Romain Bouvier avait pris en grippe. L’altercation avait dégénéré et les deux groupes avaient été séparés. Federico Martin Aramburu, accompagné de son ami Shaun Hegarty, avaient quitté l’établissement. C’est dans la rue, peu de temps après, que les deux hommes ont essuyé des coups de feu, tirés depuis une Jeep venue à leur hauteur.
Augur Jauna
Pour Omar Hasan, ancien international argentin de rugby à XV venu honorer son ami, Federico «se battait contre l’injustice», mais s’est surtout trouvé «au mauvais endroit au mauvais moment». Son compatriote et ancien partenaire de jeu au sein du Club Atletico San Isidro (région de Buenos Aires), Juan Martin Berberian, se souvient du «charisme» de son ami, capable «de remonter le moral de tout le monde autour de lui». Le défunt laisse derrière lui son épouse Maria, et trois enfants, Justina, Trinidad et Santiago. «Nous serons toujours là pour eux; la meilleure façon de rendre hommage à Federico est de bien s’occuper de sa famille», a ajouté son ami, très ébranlé.
A Biarritz, pendant plus d’une heure, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’église Sainte-Eugénie, face à l’océan, la foule a suivi la célébration, ponctuée de chants basques et de chansons jouées à la guitare sèche, dans un silence respectueux. Dimitri Yachvili, Jérôme Thion, Imanol Harinordoquy, Gonzalo Quesada ou Lisandro Arbizu, mais aussi les présidents de la Fédération française Bernard Laporte et de la Ligue René Bouscatel, étaient présents dans les travées, comme Serge Blanco, ancien patron du Biarritz Olympique, pour rendre hommage à l’ex-Puma (22 sélections) deux fois sacré champion de France avec le BO (2005, 2006). Le cercueil était entré dans l’église porté par d’anciens coéquipiers, les internationaux français Thomas Lièvremont et Nicolas Brusque, l’Argentin Manuel Carizza ainsi que Shaun Hegarty, présent au moment des faits. Sa dépouille a été saluée de l’Agur Jauna, chant traditionnel honorifique basque, à l’image de «son territoire d’adoption». A l’issue, son cercueil est ressorti sous les applaudissements solennels d’une foule émue.
Côté enquête, Loïk Le Priol, interpellé mardi soir au poste-frontière de Zahony alors qu’il s’apprêtait à se rendre en Ukraine, doit être remis aux autorités françaises par la Hongrie dans les prochains jours. Romain Bouvier, ancien étudiant de l’université parisienne Assasctif à l’ultradradroite, avait été interpellé mercredi dans la Sarthe. Il a été mis en examen pour «assassinat» et a été placé en détention provisoire. Tout comme Lison B., qui est, elle, mise en examen pour «complicité d’assassinat».