C’est une peur ancienne, cyclique même, qui a été réactivée dans les couloirs de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), la plus grande juridiction administrative de France – 40 000 dossiers traités l’année dernière. Celle de la politique du chiffre, et d’une fâcheuse tendance de l’honorable institution à rejeter un peu trop rapidement les dossiers de ceux qu’elle est censée protéger. La mission de la CNDA est en effet lourde de responsabilité : examiner les dossiers de demandeurs d’asile que l’Office français de protection des réfugiés a déboutés. Et le faire dans les délais légaux (moins de cinq mois depuis 2017). Va-t-elle trop vite en besogne ? C’est ce que suggèrent plusieurs salariés, que Libération a pu interroger.
Pression à prendre des décisions face aux dossiers qui s’accumulent, manque de temps pour les traiter… Ces griefs ont été réactivés par une grève des avocats, organisée le 6 avril à l’appel de l’association Elena, qui regroupe des conseils spécialisés dans le droit des étrangers. Ce jour-là, ils étaient une cinquantaine de robes noires à tenir le piquet de grève, au pied du bâtiment gris de la cour à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Résultat ? «Près de 90 % des audiences ce jour-là ont été annulées», avance un des grévistes, maître Bogdan Tassev.
«Ce tri est fait, et mal fait»
La critique des avocats est ciblée. Dans une tribune, Elena tonne contre «l’usage arbitraire des ordonnances par la CNDA». Depuis 2003, cette procédure permet aux magistrats de re