Décidément, les égards de l’exécutif à l’endroit du prisonnier Nicolas Sarkozy ne faiblissent pas. A la veille de son incarcération, il avait eu droit de fouler les tapis de l’Elysée, discrètement reçu par Emmanuel Macron, qui estimait «normal» de recevoir son prédécesseur «sur le plan humain». Dix jours après être entré à la prison de la Santé, c’est le ministre de la Justice lui-même qui vient lui rendre visite.
Gérald Darmanin avait prévenu : il avait bien l’intention d’aller visiter ce «détenu au statut hors du commun» qui avait accompagné ses débuts en politique, le ministre de la Justice pouvant «aller voir n’importe quelle prison et n’importe quel détenu quand il le souhaite». Répliquant aux critiques mettant en avant la séparation des pouvoirs et la mise en cause de l’indépendance des magistrats que pourrait constituer un tel acte, il avait expliqué : «S’assurer de la sécurité d’un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n’atteint en rien à l’indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d’administration que je suis.»
«Obstacle à la sérénité»
Dont acte, Gérald Darmanin s’est donc présenté lundi 27 octobre au soir à la prison de la Santé où il a pu s’entretenir entre 19 heures et 19 h 45, et en présence du directeur de l’établissement, avec l’ancien président de la République. Gérald Darmanin a par la suite rencontré des agents pénitentiaires de la Santé pendant trois quarts d’heure, un échange centré sur la sécurité de la détention de l’ancien chef de l’Etat. En détention, l’ancien président de la République bénéficie en effet de la protection de deux officiers de sécurité, une mesure exceptionnelle prise «eu égard à son statut et aux menaces qui pèsent sur lui», avait expliqué le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez.
Le 21 octobre, au jour de l’incarcération de Nicolas Sarkozy, le procureur général près la Cour de cassation, Rémy Heitz, plus haut magistrat de France, avait estimé sur France Info, à propos de la volonté de visite annoncée par Gérald Darmanin : «Il y a un risque qu’une telle visite soit ressentie par les magistrats et perçue par l’opinion comme une sorte d’obstacle à la sérénité recherchée.»
Condamné le 25 septembre à cinq ans d’emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, Nicolas Sarkozy a été incarcéré le 21 octobre à la Santé. Cette détention d’un ancien président est une première dans l’histoire de la République. Il a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines.