Entre sifflets et colliers de fleurs, Elisabeth Borne a été rattrapée ce vendredi 8 décembre à Mayotte par l’insécurité, dont ont témoigné devant elle beaucoup d’habitants, soignants, élèves ou gendarmes de ce département miné aussi par une grave sécheresse et la pression migratoire des Comores voisines. La Première ministre s’est engagée à «refaire des opérations coup de poing» pour «ramener la sécurité». Interrogée sur la chaîne Mayotte la 1e, elle a aussi confirmé un futur 2e plan «Shikandra» de lutte contre l’immigration illégale, avec davantage de moyens, comme des radars de surveillance maritime modernisés en 2027.
Analyse
Accueillie par des chants traditionnels et des colliers de fleurs, la cheffe du gouvernement, accompagnée par deux ministres, Aurélien Rousseau (Santé) et Philippe Vigier (Outre-mer), s’est d’abord penchée sur la pénurie d’eau, à laquelle les habitants n’ont accès qu’un jour sur trois. C’est cette crise qui a motivé au départ la visite d’une douzaine d’heures, la première d’un chef de gouvernement depuis Manuel Valls en 2015. Mais l’archipel de l’océan Indien de 310 000 habitants, où Marine Le Pen (RN) a réuni près de 60% des suffrages à la dernière présidentielle, est secoué par des affrontements entre villages qui ont conduit à l’envoi de renforts de gendarmerie.
«On est en prison»
Après la visite d’une usine de dessalement, qui doit être agrandie, la Première ministre a assisté à une distribution d’eau en bouteilles. Une mesure qui, comme la prise en charge des factures, va se poursuivre «aussi longtemps que nécessaire». «Vous êtes bienvenue à Mayotte mais il y a un ‘‘mais’'. Avant on vivait librement maintenant on est en prison» avec l’insécurité, l’a interpellée une élue locale. «Liberté égale à quoi chez nous ? La prison. Egalité égale […] la tuerie» et «la fraternité, la soif», a-t-elle déploré. «La violence que vous vivez, ce n’est pas normal», a reconnu la Première ministre, pour qui «la crise de l’eau se rajoute à toutes les crises qui existent».
A Mamoudzou, pas de colliers de fleurs mais une petite centaine de manifestants munis de sifflets qui criaient «on en a marre». «Mayotte, paradis transformé en enfer», pouvait-on lire sur une banderole brandie face à la Première ministre. La cheffe du gouvernement s’est ensuite frayée un chemin dans les dédales boueux d’un bidonville à Koungou, quadrillé pour l’occasion par l’armée, qui doit prochainement être démantelé. Une opération d’intérêt national sur trois communes doit aider au relogement de ses habitants. «Ce n’est pas digne de notre pays», a jugé Elisabeth Borne, déterminée à «renforcer la lutte» contre l’immigration illégale, et «au-delà» à proposer des logements «dignes» aux personnes en situation régulière.
240 millions pour moderniser l’hôpital
Au conseil départemental, Elisabeth Borne a rencontré le président du département, Ben Issa Ousseni, avait réclamé «l’état d’urgence». «Vous n’êtes pas seuls, vous pouvez compter sur la République», lui a assuré la Première ministre. Avant d’annoncer que l’hôpital de Mayotte va bénéficier de 240 millions d’euros pour sa modernisation. Mais 70% des postes de praticiens hospitaliers ne sont pas pourvus, et l’insécurité est «l’élément bloquant» pour venir y travailler, témoigne la cheffe du service des urgences Alimata Gravaillac. «Ce qu’on voit au bloc, c’est horrible. Faut voir les coups de machette», témoigne un soignant.
Reportage
A Dembeni, commune touchée par des exactions, Elisabeth Borne a, enfin, entendu plusieurs témoignages de forces de l’ordre et d’élèves. Eux aussi lui ont parlé de la violence. «On ne comprend pas ce qui se passe dans leur tête», dit Elisabeth Borne au sujet des auteurs de violences. «Ce sont des luttes de territoires», explique Lucien Barth, commandant de la gendarmerie sur l’île. En guise de réponse, la Première ministre a fait valoir une loi prochaine sur la justice des mineurs. Et est repartie en direction de la métropole.