Yves M., un ancien major de la police aux frontières (PAF) poursuivi pour des violences sur son ex-femme et ses enfants, a été relaxé ce jeudi 18 avril lors de son procès en appel à Metz. Lors de l’audience qui s’est tenue le 15 mars, le parquet avait requis la même peine qu’en première instance. En juillet 2023, le policier délégué à l’Unsa police avait alors été condamné par le tribunal correctionnel de Thionville (Moselle) à 18 mois de prison avec sursis probatoire de deux ans ainsi que le retrait de l’autorité parentale.
A la suite de l’annonce de cette relaxe, le parquet général a annoncé se pourvoir en cassation, a renseigné Me Jérôme Tiberi, avocat des parties civiles, ce vendredi 19 avril. Un pourvoi auquel il s’est également associé. «C’est un arrêt qui est complètement scandaleux, déplore l’avocat. Si j’avais reçu un arrêt comme ça en 1950, ça ne m’aurait pas surpris. Mais aujourd’hui, en 2024, ce n’est plus possible. Sinon, c’est la porte ouverte à tout. Dans un prochain arrêt, on va nous dire quoi ? Que l’on rétablit le droit de correction des maris sur leurs épouses ?»
Dans l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Metz, consulté par Libération, il est indiqué, qu’un «droit de correction est reconnu aux parents et autorise actuellement le juge pénal à renoncer à sanctionner les auteurs de violence dès lors que celles-ci n’ont pas causé un dommage à l’enfant, qu’elles restent proportionnées au manquement commis et qu’elles ne présentent pas de caractère humiliant. Ainsi, il est reconnu à tout parent le droit d’user d’une force mesurée et appropriée à l’attitude et l’âge de leur enfant dans le cadre de leur obligation éducative sans pour autant être passibles de condamnations et sanctions pénales».
«Une décision hallucinante»
Me Jérôme Tiberi s’offusque également de la formulation suivante : «la cour relève que [les enfants] ne mentionnent pas de fessées, claques, tirages de cheveux ou autres gratuits mais consécutifs à des bêtises qu’ils ont pu faire, des désobéissances ou des retards exagérés dans l’exécution de certaines consignes paternelles ou des réprimandes liées au travail scolaire non fait ou mal fait.»
«C’est une décision hallucinante», s’est insurgée la députée LFI Charlotte Leduc, venue soutenir la victime. «C’est un très mauvais message qu’envoie la justice française pour décourager les femmes de policiers et leurs enfants à porter plainte. Ça dit aux autres : n’essayez même pas !». «La justice française pouvait dire à ce petit garçon de 13 ans : «On te croit, on te rend justice», et elle ne l’a pas fait. S’il venait à commettre un geste irréparable, la justice sera responsable», a aussi pointé une représentante de l’association SOS Fonctionnaires Victimes.
«Nous étions dans une impasse», a de son côté expliqué la présidente de la cour à la victime à l’annonce de la décision. «Nous n’avons pas trouvé dans l’exposé de la procédure d’éléments qui pouvaient corroborer une version ou l’autre», a-t-elle estimé. Pour la cour, il s’agit donc seulement d’un «grave et sérieux conflit de l’exercice de l’autorité parentale».
Une information judiciaire ouverte pour viol
Les faits de violences pour lesquels Yves M. était poursuivi vont d’octobre 2016 à avril 2018. Ils sont «d’autant plus impardonnables qu’il est un policier» censé «assurer la protection d’autrui» mais qui agit en privé «comme le dernier des malfrats», dénonçait l’avocate générale, Lucille Bancarel, lors de l’audience. «Rien ne justifie qu’on porte des coups à un enfant ou qu’on le maltraite moralement», avait-elle aussi lancé au policier, dont les enfants ont aujourd’hui 10 et 13 ans.
L’affaire Yves M.n’est pas pour autant terminée : «Nous avons appris à l’audience qu’une information judiciaire pour viol était actuellement ouverte», a souligné la présidente de la cour d’appel. Lors de l’audience du 15 mars, qui avait duré près de sept heures et demie, l’avocate générale avait en effet confirmé que le parquet de Thionville avait ouvert une information judiciaire pour des faits présumés de viol sur l’ex-épouse.
Par ailleurs, avant le procès en appel, le patron du syndicat Unsa-Police Olivier Varlet avait été pointé par le média en ligne Streetpress pour avoir prétendument «couvert» Yves M., ancien délégué Unsa dans l’Est et présenté comme son «meilleur ami». Cité par la défense au procès, Olivier Varlet a soutenu au contraire n’avoir «jamais» cherché à défendre l’ancien major à la police aux frontières. «Mon intime conviction, c’est que ce n’est pas possible» qu’il ait été violent, avait-il ajouté, évoquant toutefois l’éducation «casque à pointe»» de Yves M. avec ses enfants.
Yves M., actuellement en poste à la Direction des ressources humaines des finances et des soutiens (DRHFS), avait réfuté «intégralement» les faits reprochés, concédant juste une «éducation rude et stricte avec [ses] fils».
Mise à jour : à 16 h 23, avec ajout du pourvoi en cassation