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Libération
Enquête Libé

A Saint-Etienne, le pizzaiolo était un mafieux de la vieille

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A Saint-Etienne, il était Rocco, l’«adorable» cuistot italien. En Italie, un «super fugitif» de la ‘Ndrangheta. «Libé» retrace la longue cavale d’Edgardo Greco, un temps repenti avant de redisparaître durant seize ans jusqu’à son arrestation dans la nuit du 1er au 2 février.
Edgardo Greco, alors connu sous le nom de Paolo Dimitrio, dans un restaurant lyonnais en 2014. (Fabrice Schiff pour Lyon People)
publié le 27 février 2023 à 8h00

«On ne vous en dira pas de mal ici.» Assis sur un tabouret de pub, le représentant en spiritueux au crâne lisse est formel. Au cœur du vieux Saint-Etienne – pavés lustrés, bars festifs, commerces flageolants –, Paolo Dimitrio n’a laissé que le souvenir d’un homme chétif et serviable, à l’existence chiche et solitaire, dont il ne reste qu’un nom sur une étiquette jaune à côté d’un interphone. Il vivait à l’étage d’un troquet aux couleurs de la Belgique, ses fenêtres donnant sur une place animée. Là, il sirotait son café au PMU, glissait deux trois mots sur le foot, demandait des nouvelles avec son épais accent italien, comme tant d’autres exilés de la grande Botte dans la cité minière. Derrière le bar, une jeune serveuse, main sur la hanche, se souvient de ces quelques mois où il tenta d’ouvrir un restaurant à 100 mètres de là, à peine sorti de la pandémie. Ses tables restaient désespérément vides, lui qui ne cuisinait que des produits frais, pétrissait son pain le matin et refusait de mettre à la carte des spaghettis bolo, trop vulgaires. Le soir, il distribuait ses invendus maison à la ronde. «Il m’a nourri tout le confinement avec ses calzones !»

Cet hiver, il travaillait à L’Agorà, grande pizzeria sur le parvis de la gare, connu pour ses soirées karaoké. Le cuistot était fatigué, ses gestes lourds, mais le patron, Maurizio Diana, lui avait confié les préparations, «pour le sortir de la panade». Diana avait été le premier à l’embaucher à Saint-Etienne,