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Justice

Adama Traoré : la Défenseure des droits recommande «des poursuites disciplinaires» contre les gendarmes

Claire Hédon a demandé lundi 26 juin «que des poursuites disciplinaires soient engagées à l’encontre» des représentants des forces de l’ordre impliqués dans l’affaire qui a vu le jeune homme mourir à la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise) après son arrestation en 2016.
Lors d'une marche pour Adama Traoré, en 2019, à Beaumont-sur-Oise. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 27 juin 2023 à 12h34
(mis à jour le 27 juin 2023 à 12h34)

A la question «les gendarmes ont-ils été irréprochables lors de l’arrestation d’Adama Traoré le 19 juillet 2016 ?», la Défenseure des droits Claire Hédon répond clairement «non». Dans une décision publiée lundi 26 juin que le Monde et le Parisien ont pu consulter, l’ancienne présidente du mouvement ATD Quart-monde recommande «que des poursuites disciplinaires soient engagées à l’encontre» des représentants des forces de l’ordre impliqués dans l’affaire qui a vu le jeune homme mourir à la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise) quelques dizaines de minutes après son arrestation, en juillet 2016. Trois des militaires avaient été placés en 2018 sous le statut de témoin assisté.

Dans sa décision, Claire Hédon reproche aux gendarmes d’avoir «manqué à leur devoir de protection» en n’ayant «pas pris le soin de préparer et de faciliter l’arrivée des pompiers». Pour pouvoir interpeller le jeune homme de 24 ans qui tentait de s’enfuir, les forces de l’ordre ont procédé à un placage ventral. Une fois au sol, Adama Traoré avait alors prévenu qu’il rencontrait des difficultés pour respirer mais les agents n’en ont que très peu tenu rigueur. Les fonctionnaires ont gardé l’homme menotté au moment de le mettre en position latérale de sécurité (PLS). Ce qui fait dire à la Défenseure des droits «qu’en conséquence, contrairement à ce qu’ils indiquent, ils n’ont pas pratiqué une PLS réglementaire». «En présence d’une personne inconsciente, allongée au sol, venant de surcroît de s’uriner dessus, au sein d’une brigade et entourés de plusieurs gendarmes, les militaires devaient le démenotter immédiatement, pour permettre la mise en œuvre des gestes de premiers secours», poursuit la haute fonctionnaire.

Les avocats de la famille comme des gendarmes y trouvent leur compte

En revanche, la juriste ne pilonne pas le mode d’interpellation utilisé par les gendarmes. Selon Hédon, «le recours à la force, dans les conditions décrites par les gendarmes, pouvait apparaître nécessaire» précisant qu’il est difficile de «se prononcer sur la proportionnalité de l’usage de la force par les gendarmes». «Certains éléments factuels qui auraient permis d’apprécier la proportionnalité de l’usage de la force ne peuvent être établis en l’état des éléments en possession du Défenseur des droits», note la Claire Hédon.

Dans un communiqué, Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille Traoré, applaudit une décision qui «a souligné l’absence de crédibilité des gendarmes ayant donné plusieurs versions des faits». «Jusqu’alors, tous les juges d’instruction ont montré que leur seule volonté était d’écarter la responsabilité des gendarmes, et ce malgré les évidences aujourd’hui relevées par la Défenseure des droits», estime-t-il. Les avocats des gendarmes y trouvent aussi leur compte. Selon eux, Claire Hédon approuve «le cœur de ce qui était reproché aux gendarmes : le motif de l’interpellation, le recours nécessaire à la force, des gestes pratiqués conformes à ce qui a été enseigné» et «ne remet pas en cause le plus essentiel : l’instruction judiciaire». A noter que la décision de Claire Hédon n’est que consultative. Au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de déterminer s’il faut donner suite aux recommandations de la Défenseure des droits. Il a deux mois pour cela.