Il vendait des pâtisseries pour partir au ski, lorsque des tireurs ont surgi. Trois jeunes hommes sont jugés à partir de lundi pour la mort en 2021 de Lionel, 16 ans, tué au pied de son immeuble sur fond de rivalité entre quartiers bordelais.
Durant cet hiver 2020-2021, cet adolescent «apprécié» et «sportif» selon ses voisins, avait pris l’habitude d’installer le soir, avec un ami, un stand de vente de sodas et de friandises dans le quartier des Aubiers, dans le nord de la ville, pour financer un séjour à la montagne.
Le samedi 2 janvier peu après 22 heures, les deux apprentis commerçants échangent avec de jeunes clients quand une Clio noire déboule. Derrière les vitres baissées, des hommes encapuchonnés ouvrent le feu au fusil automatique.
Violences
«Vous voulez la guerre ? Vous l’aurez», lance l’un d’eux, d’après des témoins. Un homme cagoulé sort ensuite du véhicule pour poursuivre les adolescents en fuite, sous les cris de «fumez les petits», ont raconté victimes et riverains aux enquêteurs.
Une partie de la scène, aux allures d’attaque «terroriste» selon des habitants de cette cité populaire d’environ 3 500 habitants, est filmée depuis un immeuble. Trois mineurs, âgés de 13 à 16 ans, se réfugient grièvement blessés dans les bâtiments alentour. Lionel reste inanimé au sol, touché par deux balles dont une dans le thorax. Son décès est confirmé à son arrivée aux urgences.
Un autre homme, 21 ans, est blessé. Selon l’enquête, ce judoka de «haut niveau» avait déjà été visé - incendie de son immeuble en novembre, puis tirs d’arme à feu en décembre - en représailles d’une bagarre entre des jeunes des Aubiers et de la cité Chantecrit.
«L’escalade d’une criminalité»
D’autres altercations ou tirs isolés étaient survenus dans ces deux quartiers voisins les mois précédents. La veille de l’attaque, le frère d’un des tireurs présumés avait été blessé par balle.
Après le drame, le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, avait alerté sur «l’escalade d’une criminalité» dotée «d’armes lourdes» dans une ville «longtemps à l’abri des phénomènes de grande délinquance».
Pour l’avocat de la famille de Lionel, Me Yann Herrera, «il ne s’agit pas de balles perdues. Quand on annonce “fumez les petits”, tout est dit. […] La seule chose qui vaut à Lionel d’être victime, c’est d’avoir tenu ce stand de pâtisseries, pour partir au ski avec son copain».
D’après plusieurs protagonistes placés sous écoute policière, la tension entre les jeunes des deux quartiers, jadis réputés «amis» et où les enfants fréquentent le même collège, ne provient pas de rivalités liées au trafic de stupéfiants mais d’une animosité née de querelles entre groupes de rap des deux cités.
Les trois principaux accusés, les deux tireurs présumés et le chauffeur du véhicule, comparaissent devant la cour d’assises de Gironde pour le meurtre de Lionel, les tentatives de meurtre de janvier 2021 et de décembre 2020, et pour des violences. Déjà condamnés pour vols ou vols avec violences, ils encourent la réclusion à perpétuité. Agés de 19 à 21 ans au moment des faits, ils circulaient à bord d’une voiture volée. Leurs téléphones ont borné aux endroits où le véhicule a été identifié les jours ayant précédé et suivi l’attaque, mais les analyses ADN n’ont rien donné.
Cagoules, gants et téléphones jetables
Leur participation à l’expédition a été dénoncée par des informateurs de la police. Une victime puis une témoin, ancienne camarade de classe, ont aussi reconnu la «démarche» et la «voix» de l’un d’eux. Quatre autres personnes sont accusées d’association de malfaiteurs, pour avoir fourni le véhicule dérobé ou participé à l’achat de cagoules, gants et téléphones jetables juste avant les faits. Un dernier est jugé pour violences.
Selon les mis en cause qui contestent les faits reprochés, ces objets étaient destinés à échapper aux forces de l’ordre durant des sorties nocturnes à moto. «On verra à l’audience si les éléments de l’instruction sont assez solides», a commenté avant le procès Me Christian Blazy qui défend trois accusés, dont un pour meurtre.
Verdict le 23 mai.