Aucune enquête pénale ne peut être ouverte pour établir des responsabilités de l’Abbé Pierre face aux multiples accusations d’agressions sexuelles, les faits étant prescrits, a annoncé mardi 4 février le parquet de Paris. Celui-ci a fait savoir que «l’action publique était éteinte par le décès du mis en cause en 2007 en ce qui le concernait personnellement, et prescrite en ce qui aurait éventuellement pu concerner des non-dénonciations de faits».
«S’il arrive que le parquet ouvre des enquêtes sur la dénonciation de faits manifestement prescrits au préjudice de mineurs, […] c’est afin de rechercher si d’autres mineurs auraient par la suite été victimes de faits similaires», a développé le ministère public. «Si ces faits plus récents s’avèrent non prescrits, le parquet peut alors engager des poursuites contre le mis en cause pour l’ensemble des faits. Ce n’est évidemment pas le cas lorsque celui-ci est décédé».
La non-dénonciation d’infractions - un délit distinct - «a pour objectif de s’assurer que, tant que la victime est dans l’incapacité d’agir par elle-même, les personnes ayant connaissance des faits empêchent qu’ils se reproduisent, et permettent qu’ils soient jugés», a fait remarquer le parquet de Paris. Mais «l’analyse des trois rapports [du cabinet indépendant] Egaé n’a pas permis de révéler la situation de victimes pour lesquelles la commission d’une éventuelle non-dénonciation serait encore susceptible de poursuites», a-t-il précisé.
Chronologie
La conférence des évêques de France (CEF) a réagi en disant «comprendre» mais «regretter» cette décision de la justice. L’organisation religieuse «exprime sa proximité aux personnes victimes et redit sa détermination à agir pour que toute la vérité possible soit faite sur les actes commis par l’Abbé Pierre».
L’Eglise catholique, par la voix du président de la Conférence des évêques de France, avait demandé mi-janvier à la justice d’étudier la possibilité d’une enquête sur l’affaire abbé Pierre, avec un signalement «pour non-dénonciation de viols et agressions sexuelles sur personnes vulnérables et mineurs».
Pour la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé, «le sinistre cas Abbé Pierre démontre une nouvelle fois combien la prescription empêche les enfants devenus adultes» d’avoir droit à «l’accès à la justice».
Des années 1950 aux années 2000
Longtemps figure iconique de la défense des démunis, l’Abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, était visé fin janvier par 33 accusations de violences sexuelles. Les faits dénoncés remontent à une période allant des années 1950 aux années 2000. Ces agressions sexuelles et viols ont été révélés dans trois rapports différents publiés depuis juillet 2024 par le cabinet Egaé, mandaté par le mouvement Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre pour faire la lumière sur les agissements du prêtre.
La Fondation Abbé Pierre, que le prêtre avait créée avec des proches en 1987, a officiellement changé de nom le 25 janvier pour devenir la «Fondation pour le Logement des Défavorisés».