Sept ans de combat et d’inlassables rassemblements pour dire une même colère. Ce mardi 5 septembre au soir à Paris, à l’ombre de la statue de Marianne sur la place de la République, Assa Traoré était accompagnée de nombreuses familles de victimes de violences policières. Celles de Babacar Gueye ou encore de Nahel. Toutes réunies pour dénoncer le non-lieu prononcé vendredi pour les trois gendarmes impliqués dans la mort d’Adama Traoré, le 19 juillet 2016 dans la caserne de Persan, deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise) au terme d’une course-poursuite. C’était un jour de canicule où la température avait frôlé les 37 °C. Alors qu’il célébrait ses 24 ans, le jeune homme avait été interpellé lors d’une opération visant son frère Bagui, suspecté d’extorsion de fonds.
Interview
A l’issue d’une longue enquête au cours de laquelle se sont succédé d’âpres batailles médicolégales, les trois gendarmes ont finalement bénéficié d’un non-lieu prononcé vendredi 1er septembre. Une décision de justice qui ne passe pas pour Assa Traoré. Face à 250 personnes, elle a rappelé ce mardi soir que le non-lieu a été décidé par les juges alors «alors qu’il y a encore des investigations en cours dans ce dossier». «Nous allons très prochainement passer en audience à la cour d’appel de Paris pour une reconstitution et les juges prononcent un non-lieu. La justice fait ce qu’elle veut», précise la sœur d’Adama Traoré. Avant de souligner que la décision du non-lieu à l’encontre des trois gendarmes a été prononcée le même jour que la libération du policier impliqué dans le tir de LBD ayant visé Hedi à Marseille. «Ce sont des signaux forts qu’il faut prendre en considération», martèle la militante.
«Au début je marchais pour Adama, maintenant je le fais pour moi»
«Ce rassemblement n’a pas été autorisé (par la préfecture) mais les voix de nos morts sont plus importantes que ça. On continuera à se battre pour notre pays qui est la France […] Nous allons reprendre la rue, continuer la bataille», a enfin lancé Assa Traoré sous les applaudissements de la foule. En parallèle de cette mobilisation, la famille a d’ores et déjà annoncé vouloir faire appel. «Cette ordonnance de non-lieu, qui contient des contradictions, des incohérences et de graves violations du droit déshonore l’institution judiciaire», a réagi dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux leur avocat, Me Yassine Bouzrou.
Toufik, militant écolo parisien, est un habitué des rassemblements organisés par le comité La Vérité pour Adama. «Ca fait sept ans que je marche pour la justice», note le jeune homme de 28 ans. «J’étais là à la première marche à Beaumont-sur-Oise. On aurait pu penser qu’on tomberait dans une lassitude. Sept ans à se battre pour le même sujet… Ça peut fatiguer. Mais dans cette affaire, l’injustice est tellement aberrante que ça ne peut que donner envie de continuer», observe-t-il. Le militant estime plus largement que l’air du temps est hostile aux minorités. «Au début je marchais pour Adama. Maintenant je le fais pour moi, parce que j’ai peur», souffle Toufik.
A quelques pas de là, Manu, la quarantaine distribue des tracts du NPA. «Il faut toujours avoir un sticker qui dénonce les violences policières», dit-elle, sa veste de travail bardée d’autocollants. Ce mardi, c’était un peu jour de rentrée des luttes avec la présence de divers collectifs tels que Alternatiba ou Révolution Permanente. Cette année, Manu veut croire aux mobilisations et à la «fameuse» convergence des luttes : «Avec l’assassinat de Nahel, la répression dans les quartiers pendant les émeutes et les policiers auteurs de violences perpétuellement blanchis… Ils ont en tout cas réussi à radicaliser les jeunes en un été.»