Le tribunal correctionnel rendra son jugement le 3 février. Le procès pour «agressions sexuelles sur mineure» contre le cinéaste Christophe Ruggia, 59 ans, ouvert la veille, s’est achevé ce mardi 10 décembre à Paris. Une peine de cinq ans de prison dont deux ans ferme a été requise ce mardi 10 décembre à l’encontre du réalisateur pour des agressions sexuelles présumées sur Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans.
La procureure a demandé que la partie ferme de cette peine soit directement aménagée sous bracelet électronique, ce qui veut dire que Christophe Ruggia n’irait pas en prison. Elle a également requis une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles, une interdiction d’entrée en contact avec la victime et une obligation de l’indemniser.
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La justice s’était saisie de cette affaire en 2019, après une enquête de Mediapart sur les faits dénoncés par la comédienne de 35 ans, partie civile au procès. Adèle Haenel avait 11 ans au moment du casting du film les Diables, de Christophe Ruggia, et 12 pendant le tournage, à l’été 2001. Un tournage particulièrement difficile de l’avis des professionnels adultes, qui diront plus tard avoir été mal à l’aise face au comportement «déplacé» du réalisateur.
«C’est de la normalité qui bascule par degré», avait tenté d’expliquer Adèle Haenel à la barre, plus tôt dans la journée. Et «la seule protection que j’avais vis-à-vis de cette honte, de la violence qu’il m’a fait subir, la seule protection c’est les mots qu’il me donnait», a-t-elle dit. Et «je me retrouve à faire des choses dans cette nouvelle normalité», poursuit l’actrice. Comme «retourner», tous les samedis après-midi pendant ses années de quatrième et troisième, chez le réalisateur (âgé de 36 à 39 ans à l’époque).
De notre envoyée spéciale au procès
C’est là que se déroulaient les agressions, a-t-elle raconté, sur le canapé où il trouvait toujours un prétexte pour se serrer contre elle, passer sa main sous son tee-shirt ou dans son pantalon, en l’embrassant dans le cou, en «respirant fort». «Qui était là, autour de cette enfant, pour lui dire : «Ce n’est pas de ta faute. C’est de la manipulation. C’est de la violence» ?» a presque imploré Adèle Haenel.
«Fou amoureux»
Dans la matinée, l’ex-compagne de Christophe Ruggia, Mona Achache, avait témoigné des confidences du réalisateur sur un unique «geste malencontreux» sur son sein par «accident», lors des visites du samedi après-midi. «C’était une version de l’histoire qui mettait en valeur sa vertu d’avoir retiré sa main», a poursuivi la témoin de 43 ans, assurant que Christophe Ruggia lui avait dit avoir été «fou amoureux» de la jeune Adèle Haenel.
Christophe Ruggia s’était aussi confié à sa sœur. «Votre frère fond en larmes quand il vous parle, à quoi vous attribuez cette réaction ?», lui a demandé Me Anouk Michelin, l’une des avocates d’Adèle Haenel. «J’ai l’impression qu’il se sent coupable», a répondu Véronique Ruggia.
Dans l’après-midi, quand Adèle Haenel a fini de parler, le président rappelle Christophe Ruggia à la barre. Le réalisateur de 59 ans, qui nie tout, a évoqué la veille une «réinterprétation» de gestes de «tendresse», ou du «pur mensonge», sur fond de nécessaire «#MeToo» en France. Il a également reparlé du film, expliquant avoir voulu protéger Adèle Haenel, avant d’être interrompu par un cri de l’actrice, qui avait contenu sa colère depuis la veille, se contentant de le fixer constamment d’un regard noir. «Mais ferme ta gueule !», a-t-elle hurlé en se levant brusquement, avant de quitter la salle d’audience.
Mis à jour à 16 h 58 avec davantage de précisions sur les prises de parole à la barre ; à 19 h 07 avec la fin du procès et la date du jugement.