Depuis la mise en examen de Yannick Agnel pour viol et agression sexuelle sur mineur en décembre 2021, le microcosme de la natation est sans voix. Le double champion olympique a reconnu la «matérialité des faits» mais contesté «toute contrainte» exercée sur la plaignante, âgée de 13 ans à l’époque et fille de Lionel Horter, son entraîneur au Mulhouse Olympic Natation (MON). Les faits se seraient déroulés «sur toute l’année 2016», à Mulhouse (Haut-Rhin), ville d’entraînement du nageur, mais «également à l’étranger, en Thaïlande [où le MON se rend régulièrement en stage, ndlr] ou à Rio de Janeiro», ville hôte des Jeux olympiques de 2016, détaillait en décembre la procureure de Mulhouse, Edwige Roux-Morizot.
«N. m’a dit fin 2017 qu’elle avait eu une relation avec Yannick Agnel un an auparavant»
Une enquête publiée ce jeudi par la cellule investigation de Radio France laisse entendre que plusieurs personnes, plus ou moins proches dans l’entourage du nageur comme de la jeune fille, étaient au courant des faits à l’époque, ou en ont eu connaissance quelque temps après. Un ancien salarié du MON assure ainsi être «tombé des nues» en apprenant la nature de la relation en Thaïlande. Alors qu’une nageuse anonymisée se souvient que la victime se rendait «régulièrement» dans la chambre de Yannick Agnel lors de ce séjour, d’autres ont du mal à croire que les parents de la victime – Lionel et Marjorie Horter, eux-mêmes de tous les voyages ou presque – «ont pu ne rien voir» de ce qu’il se passait entre leur fille et le nageur.
D’autres témoignages recueillis par Radio France tendent à montrer que plusieurs autres nageurs et nageuses connaissaient la relation intime qui existait entre Agnel et la fille de Lionel Horter. La victime l’aurait confié à plusieurs athlètes. «N. m’a dit fin 2017 qu’elle avait eu une relation avec Yannick Agnel un an auparavant. Elle me l’a dit sur le ton de la confidence. Je pense qu’elle ne réalisait pas», dit une nageuse. Un autre nageur qui a quitté le club entre-temps assure que peu à peu, «tout le monde est au courant au sein du club».
«Aucun élément ne montre à l’heure actuelle que les parents étaient au courant»
Les parents de la victime ont pourtant assuré n’avoir été mis au courant par leur fille qu’à l’été 2021, deux semaines avant qu’elle ne porte plainte. Une version mise en doute par plusieurs témoignages recueillis par la cellule investigation de Radio France. Une personne présentée comme «un ancien cadre du club» narre une scène qui aurait eu lieu au printemps 2019, au moment où Yannick Agnel est en bisbille avec le MON, qui ne lui aurait pas versé sa dernière année de contrat, soit 60 000 euros. Le club envoie une lettre de conciliation à Agnel. «Franck Horter [président du MON et frère de Lionel, ndlr] me dit que Yannick serait sage d’accepter cette conciliation, car ils ont un dossier sur lui et sa nièce, N.», raconte l’ancien cadre en question.
«Aucun élément ne montre à l’heure actuelle que les parents étaient au courant, insiste Edwige Roux-Morizot, procureure de Mulhouse, interrogée par Radio France. Une information judiciaire évolue au gré des auditions. On verra bien. En tout cas, cela n’amoindrit pas la souffrance de la victime.»
«Si les faits sont constitutifs de viol ou agression sexuelle, c’est qu’il existe une différence d’âge importante» entre la victime et le nageur, âgé de 24 ans à l’époque des faits en 2016, spécifiait la procureure au moment de la mise en examen de Yannick Agnel. Tout en rappelant que la loi interdit en France toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, même si celui-ci est consentant.