L’histoire a tout pour devenir un immense feuilleton et pourtant, jusqu’à cette semaine, personne ne connaissait réellement le nom d’Alex Batty. Ce jeune homme aujourd’hui âgé de 17 ans, originaire de la banlieue de Manchester, au Royaume-Uni, était porté disparu depuis 2017. Il a été retrouvé et identifié dans la nuit de mardi à mercredi 13 décembre à Revel, en Haute-Garonne. L’enquête est désormais entre les mains des autorités britanniques. Alex Batty devrait être transféré au Royaume-Uni dans les prochains jours.
Dans quelles circonstances avait-il disparu ?
Dans une conférence de presse donnée ce vendredi 15 décembre à Toulouse, l’adjoint du procureur de la République de Toulouse, Antoine Leroy, a précisé le cadre familial du jeune homme, né le 13 février 2006 à Oldham, à une dizaine de kilomètres de Manchester. Le père, avocat, a quitté le domicile familial quand Alex Batty n’avait que 2 ans. Il a donc été élevé par sa mère, Melanie Batty, également avocate, et sa grand-mère maternelle. A 8 ans, il a fait deux séjours en famille au Maroc, d’abord d’un mois, puis de quatre mois. En revenant en Grande-Bretagne, il est allé vivre avec sa grand-mère qui, estimant que la mère était instable, a demandé et obtenu la garde d’Alex.
En 2017, la grand-mère du jeune homme a accepté qu’Alex, alors âgé de 11 ans, se rende en Espagne voir sa mère. Mais après un séjour de deux semaines, Melanie Batty part avec son fils au Maroc. Un avis de recherche est délivré à son encontre le 10 août 2017 par les autorités britanniques. Sa grand-mère a déclaré en 2018 qu’elle pensait que la mère d’Alex et le grand-père, dont elle est divorcée, l’avaient emmené vivre dans une «communauté spirituelle» au Maroc.
Que s’est-il passé depuis 2017 ?
Le jeune Alex Batty a ensuite passé cinq années dans un mode de vie «très nomade», toujours selon l’adjoint du procureur de la République de Toulouse. Après deux années au Maroc, lui, sa mère et le grand-père passent rapidement en Espagne, avant de joindre la France, entre 2020 et 2021. Si l’adolescent est incapable d’indiquer des lieux précis aux enquêteurs, ces derniers ont conclu à des pérégrinations dans le Sud-Ouest, entre l’Ariège, l’Aude et les Pyrénées-Orientales. «Ils sont restés sans attache fixe pendant deux années, selon l’adjoint du procureur. Alex Batty est resté tout ce temps avec sa mère et son grand-père maternel.» Si le jeune affirme n’avoir subi aucune violence physique, il évoque néanmoins avoir été victime d’agressions sexuelles «dans sa famille», à l’âge de 5 ou 6 ans, mais précise que ces faits n’auraient rien à voir avec son périple plus récent.
Pendant ces années nomades, le petit groupe se mélangeait régulièrement avec des familles nombreuses suédoises, espagnoles ou indiennes. «La seule chose qu’ils prenaient avec eux était des panneaux solaires et leur potager. Sinon, ils trouvaient des petits boulots», a expliqué Léa Chambonnière, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne).
Le terme de «secte» n’est jamais employé par Alex Batty, qui utilise l’expression de «communauté spirituelle». De son côté, l’adjoint du procureur de Toulouse évoque un «travail sur l’ego, de la méditation, la négation de l’existence du monde réel, la réincarnation», pendant lequel le jeune avait «la liberté d’aller et venir». Mais il était «obligé de vivre dans ces conditions là».
Son grand-père serait mort il y a six mois, et le jeune homme aurait même assisté à une cérémonie de méditation autour du corps du défunt.
Comment a-t-il été retrouvé ?
Le jeune Britannique a raconté s’être échappé de la «communauté spirituelle» dans laquelle il était avec sa mère depuis deux ans, sans toutefois préciser de lieu. Dans la nuit de mardi à mercredi, vers 3 heures du matin, il croise la route de Fabien Accidini, un livreur de pharmacie en pleine tournée entre Camon et Lagarde, deux bourgades de l’Ariège. «Je me retrouve face à lui, je le vois avec une planche de skateboard sous le bras, un sac à dos et une lampe torche», témoigne le conducteur auprès de BFMTV.
Le livreur s’interroge, il est inhabituel de croiser quelqu’un à pied, en pleine nuit sous la pluie, entre deux villages très isolés. Mais finit par s’arrêter. Fabien Accidini engage alors la discussion avec un adolescent «fatigué» et «plutôt méfiant». Alex Batty ment d’ailleurs dans un premier temps et affirme s’appeler Zach. Après quelques échanges, l’Anglais se détend un peu et accompagne le livreur dans la fin de sa tournée, jusqu’à Saint-Félix-Lauragais (Haute-Garonne), près de la ville de Revel. «Pendant le trajet, on a essayé d’appeler les ambassades, consulats mais zéro réponse.»
Dans un français incertain puis en anglais, Alex Batty raconte avoir été kidnappé par sa mère il y a cinq ans au Maroc. «Il a raconté que sa mère l’avait enlevé […]. Depuis, il avait vécu en Espagne dans une maison de luxe avec une dizaine de personnes. Il serait arrivé en France vers 2021. Au milieu du week-end, il avait décidé de quitter sa mère pour rejoindre sa famille en Angleterre. Cela faisait plus de quatre jours qu’il marchait dans la montagne.»
Dans sa conférence de presse, l’adjoint du procureur de la République de Toulouse, Antoine Leroy, a corroboré cette version. «Lorsque sa mère a indiqué qu’elle envisageait de partir avec lui en Finlande, il a décidé de quitter l’endroit où il était pour marcher pendant quatre jours et quatre nuits. Il marchait la nuit et dormait le jour depuis, a priori, les Pyrénées-Orientales. Il s’est nourri de diverses choses trouvées dans les champs et jardins.» L’adjoint du procureur ajoute que le jeune homme a marché le long de la Nationale 7, en direction de Toulouse, dans l’espoir d’y croiser des autorités qui l’aideraient à rejoindre sa famille.
Alex Batty est décrit par les gendarmes et les médecins qui ont pu le voir depuis mercredi comme étant «en bonne santé globale, intelligent».
Où en est l’enquête ?
Dès vendredi matin, il n’y avait pas plus de doute sur l’identité du jeune homme retrouvé en Haute-Garonne, «la reconnaissance est bien établie, il n’y a pas de souci», selon le procureur de Toulouse, Samuel Vuelta-Simon. «On attend que la grand-mère vienne le chercher et de mettre en place avec les Britanniques le rapatriement», a-t-il ajouté. La police de Manchester a, quant à elle, affirmé auprès de Libération que «des dispositions sont prises pour renvoyer Alex au Royaume-Uni dès que possible, mais ce ne sera pas avant ce soir ou demain».
L’adjoint du procureur de la République de Toulouse a affirmé que l’adolescent serait «probablement restitué à sa famille anglaise demain [samedi, ndlr] dans des conditions qu’il n’est pas utile de préciser». D’après lui, il n’y a pas d’enquête ouverte en France, au Maroc ou en Espagne pour le moment. La seule en cours est celle menée en Grande-Bretagne par la police de Manchester. «La France n’a pas été destinataire d’un mandat d’arrêt européen.»
Que disent ses proches ?
Dans un communiqué publié ce vendredi soir avec la police mancunienne, Susan Caruana, la grand-mère d’Alex Batty, a exprimé «[son] soulagement et [sa] joie de savoir qu’Alex a été retrouvé sain et sauf». «J’ai parlé avec lui hier soir et c’était si bon d’entendre sa voix et de revoir son visage. J’ai hâte de le revoir lorsque nous serons réunis. L’essentiel est qu’il soit en sécurité, après une expérience qui aurait été bouleversante pour n’importe qui, et surtout pour un enfant.» Cette dernière précise vouloir que l’on respecte «l’intimité» de sa famille «lorsque nous accueillerons Alex, afin que ce processus soit aussi réconfortant que possible».
Dans le Daily Mail, Maureen Batty, 73 ans, la tante d’Alex Batty avait expliqué plus tôt l’inquiétude de ses proches pendant cette longue absence. «Alex s’est fait laver le cerveau par la religion de son grand-père, David», déplore-t-elle, tout en regrettant que son neveu n’ait pas pu recevoir d’éducation pendant toutes ces années.
Mise à jour : à 18 h 10, avec de nouveaux détails fournis par le procureur adjoint de la République de Toulouse.