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Libération
Reportage

Affaire Delphine Jubillar: à Cagnac-les-Mines, ses amies réclament «justice et vérité»

Un an après la disparition de Delphine Jubillar, une «marche blanche» organisée dimanche a réuni plusieurs centaines de personnes dans la commune du Tarn où elle vivait.
Des centaines de personnes ont marché dans la commune de Cagnac-les-Mines, ce dimanche après-midi. (Fred Scheiber /AFP)
par Stéphane Thépot, envoyé spécial à Cagnac-les-Mines
publié le 19 décembre 2021 à 19h02
(mis à jour le 19 décembre 2021 à 19h03)

A en juger par les plaques d’immatriculation, sur le parking improvisé à côté de la salle des fêtes et des terrains de foot et de rugby, certains sont venus de loin. Un an après la disparition de Delphine Jubillar dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, une «marche blanche» était organisée ce dimanche par les amies de l’infirmière dans cette commune tarnaise de 2 500 habitants, où plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sous le regard des gendarmes.

«Ce qui t’est arrivé aurait pu nous arriver»

C’est à la sortie du bourg, au bord d’un lac de pêche bucolique où Delphine aimait se promener avec ses deux enfants, qu’Emy, Amélie, Hélène et Lolita avaient donné rendez-vous à toutes celles et ceux suivant avec passion l’enquête qui défraie la chronique médiatique depuis un an déjà. «Delphine, Louis, Elyah, on vous aime», proclame une grande banderole réclamant «justice et vérité», déroulée devant la foule qui commence à se ressembler. L’ambiance est au recueillement, le rassemblement hésite entre fausses obsèques laïques et manifestation féministe quand la sono improvisée diffuse un slam de Grand Corps Malade pointant «la gent masculine».

«Ce qui t’est arrivé aurait pu nous arriver», dit au micro l’une des proches de Delphine, tremblante d’émotion mais évoquant fermement «toutes ces femmes en couple qui ont peur». Dans l’esprit des quatre fidèles amies de la disparue, le coupable ne fait guère de doute. Très actives sur les réseaux sociaux, elles ne parlent pas seulement de «l’affaire Jubillar» mais évoquent la mémoire de Delphine Aussaguel, comme si le divorce du couple était prononcé.

«Il faut que celui qui a fait ça parle»

Après avoir remué ciel et terre pour tenter de retrouver l’infirmière de la clinique Claude-Bernard d’Albi en organisant de multiples battues en marge de l’enquête officielle confiée à deux juges d’instruction toulousaines, les quatre amies ont désormais accès au dossier par l’intermédiaire de leur avocat. La cour d’appel de Toulouse a fini par accepter, en novembre, la demande de constitution de partie civile de Lolita, cousine de Delphine, mais pas des trois autres femmes, explique Me Philippe Pressecq. L’avocat, inscrit au barreau d’Albi, faisait partie du flot de marcheurs qui se sont dirigés, après la cérémonie, jusqu’au lotissement où résidait le couple Jubillar, à l’autre bout de la commune.

Le cortège s’est renforcé au fil des kilomètres en suivant sous le soleil la «voie verte», tracée entre ville et campagne. A l’arrivée, un amoncellement de fleurs, de bougies et d’ex-voto a été déposé devant la maison de briques inachevée. Le nom du couple ne figure pas sur la boîte aux lettres, mais il y a une grande photo de l’infirmière avec ce message : «Aidez-nous à retrouver Delphine». Sa cousine et sa famille improvisent une conférence de presse à l’attention des nombreux médias qui ont fait le déplacement à Cagnac. «Il faut que celui qui a fait ça parle», affirmait déjà Lolita au début du rassemblement, tandis que des rubans blancs étaient distribués à la ronde.

«Ça fait trop longtemps, il faut que ça bouge», abonde Isabelle, 49 ans, venue de la cité ouvrière de Saint-Juéry, en banlieue d’Albi, avec une photo de l’infirmière récupérée sur Internet. Elle n’arrive pas à faire son deuil et espère encore «une bonne nouvelle», mais se déclare «malheureuse» alors que le cortège se disperse dans le calme. Personne n’a franchement envie de poursuivre le chemin de Drignac, qui passe devant le lotissement, pour aller voir la grange brûlée où le corps de l’infirmière aurait été dissimulé, selon d’improbables déclarations de Cédric Jubillar à la maison d’arrêt de Seysses, recueillies par un codétenu et révélées cette semaine par la presse. Sur la petite route qui mène à la ferme, une femme indifférente à la marche blanche promène ses chiens. Coupé par des travaux, le chemin est provisoirement une impasse, sans gendarmes ni badauds.