François Bayrou risque gros. Non pas d’aller en prison, loin de là. Mais juste d’être condamné, fût-ce symboliquement. Et donc politiquement. Son avocat, Pierre Cornut-Gentille, a plaidé ce mardi 21 novembre en défense, dans la dernière ligne droite du procès des assistants parlementaires du Modem, dont certains sont suspectés d’avoir œuvré davantage pour le parti que pour leurs eurodéputés. A l’entendre, «il n’y a pas la moindre trace, document ou témoignage, que François Bayrou ait voulu détourner des fonds». Quand son confrère Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen, partie civile au procès, a réclamé en réparation les 204 000 euros non encore remboursés par les prévenus, plus 100 000 euros de «préjudice réputationnel».
Epée de Damoclès symbolique
Le parquet a requis trente mois de prison avec sursis et 70 000 euros d’amende contre le boss du Modem et maire de Pau, pilier de la macronie. Mais aussi trois ans d’inéligibilité, toujours avec sursis, certes, mais comme une épée de Damoclès symbolique. L’accusation pointe «des pratiques et expédients au profit d’un parti politique, qui nous paraissent contraires au droit». Quoique sans «spoliation substantielle». Me Cornut-Gentille minimise les sommes en jeu, concernant, sur une quinzaine d’années, «4,5 % des assistants parlementaires, 5 sur 131, et 0,5 % des charges du Modem». A l’entendre, il n’y aurait «pas une seule instruction de François Bayrou» afin que des permanents du parti soient pris en charge par les eurodéputés, sous prétexte d’assistance parlementaire : «J’en déduis que le système dénoncé par l’accusation n’existe pas.» Et de critiquer «un réquisitoire qui n’est qu’une suite d’affirmations péremptoires, sans aucune démonstration, procédant par simple argument d’autorité».
A lire aussi
A la barre du tribunal, François Bayrou avait justifié une certaine mutualisation des moyens des eurodéputés Modem, au nom d’une «task force», visant notamment leurs assistants parlementaires : «Plutôt que de vivre en bocal à Bruxelles, il était naturel qu’on leur propose de travailler au siège» du Modem. D’anciens eurodéputés centristes, comme Jean-Marie Cavada ou Corinne Lepage, ont raconté que le parti leur aurait un peu forcé la main en ce sens, disant avoir refusé d’entrer dans la combine. Me Cornut-Gentille s’en prend plus particulièrement à cette dernière, qui avait réglé ses comptes avec le Modem dans un livre : «Elle ment ou pas ? Un menteur ne ment pas tout le temps, il doit parfois dire la vérité pour être crédible. Son témoignage n’a aucune valeur.» Tempête au sein des héritiers de la démocratie-chrétienne.
«Allégations révoltantes»
Marielle de Sarnez, alter ego de François Bayrou, n’a pas comparu au procès. Elle est morte d’une leucémie le 13 janvier 2021, un an après sa mise en examen, elle aussi pour détournement de fonds européens. Il n’est dit ouvertement que les deux sont liés, mais c’est tout comme – François Bayrou, notamment, est intimement persuadé que l’accusation de malhonnêteté l’a tuée comme il l’avait affirmé sur BFM en février. L’avocat a conclu sa plaidoirie en la citant, reprenant un de ses propos sur procès-verbal devant la juge d’instruction : «Ces allégations sont plus que fausses, mais aussi révoltantes tant nous sommes engagés dans la cause européenne.» Le jugement sera rendu le 5 février.