Deux mois après le procès de familles jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, dont certains disent avoir subi des violences physiques, psychologiques, des humiliations et du travail forcé, le tribunal correctionnel de Châteauroux a rendu ce mercredi 18 décembre son jugement. Les prévenus ont été condamnés à des peines allant jusqu’à six ans de prison ferme. Bruno C. et Julien M., soupçonnés d’être les têtes pensantes du réseau, ont respectivement été condamnés à quatre et six ans de prison ferme, dans une affaire où comparaissaient 18 personnes au total, la plupart pour avoir accueilli des mineurs sans autorisation.
A l’issue d’une semaine d’audience particulièrement éprouvante pour les victimes, en octobre, des peines allant jusqu’à sept ans de prison avaient été requises à l’encontre des principaux prévenus, 18 au total. Les peines les plus lourdes, assorties d’un mandat de dépôt et 20 000 euros d’amende, avaient été requises à l’encontre de Julien M. et Bruno C., soupçonnés d’avoir brutalisé les adolescents. Contre les parents de Julien M., Colette et Antoine, qui auraient eu également des rôles clé dans cette affaire, avaient été demandées des peines d’un an d’emprisonnement et une amende de 50 000 euros, ainsi que la saisie de leurs biens.
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Les 18 personnes poursuivies devaient répondre devant le tribunal correctionnel de Châteauroux de faits de violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substance nuisible ou usage de faux en écriture. De 2010 à 2017, une soixantaine d’enfants ont été confiés illégalement par l’Aide sociale à l’enfance du Nord à une structure d’accueil située dans l’Indre, qui ne disposait pas de l’agrément nécessaire. Cette structure, «Enfance et bien-être», aurait ainsi perçu au moins 630 000 euros durant sept ans. Les jeunes ont été accueillis par des familles de l’Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne.
A l’encontre des familles ayant accueilli sans agrément ces jeunes, des peines plus légères allant de quatre mois de prison avec sursis à deux ans de prison ferme avaient été requises. «Ils ont tous participé, en bout de la chaîne peut-être, mais ils ont participé», avait insisté la substitut du procureur Amélie Trochet, dans son réquisitoire.
«Coups» et «travaux forcés»
L’affaire a éclaté en 2017, après l’hospitalisation pour «une chute à vélo» d’un des enfants, Matthias. Ce dernier a refusé, après une semaine de coma, de retourner chez son bourreau présumé. Un signalement au parquet a alors été effectué, qui a mis au jour des faits répétés commis depuis 2010.
Durant les débats, les victimes, dont neuf ont assisté à l’audience, ont livré des récits accablants : des «coups, strangulations», des humiliations et des insultes. Beaucoup d’entre elles, âgées à l’époque de 12, 14 ou 16 ans, ont également rapporté avoir été «déscolarisées» pour s’atteler à des «travaux forcés» de rénovation au profit des deux principaux prévenus. Ces derniers, Julien M. et ses parents en tête, ont cherché à minimiser les faits, évoquant des «recadrages» nécessaires, des «tapes», sur des «enfants difficiles» dont «personne ne voulait».
Grande absente du procès selon les parties civiles, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) s’est aussi retrouvée au cœur des débats mais aucun de ses responsables n’était poursuivi. «Nous pouvons placer le projecteur sur l’aide sociale et ses dysfonctionnements», avait concédé la substitut du procureur. Mais «ce n’est pas l’ASE qui a, je reprends les mots de la procédure, “pissé sur Matthias”». «Il est de notre devoir à tous de ne pas fermer les yeux», avait plaidé Me Jean Sannier, avocat de victimes, demandant au tribunal de «rendre justice pour leur passé et leur avenir».