C’est le début d’une longue querelle judiciaire pour défendre le droit d’informer. La justice a déterminé que la majeure partie des documents saisis au domicile de la journaliste Ariane Lavrilleux étaient recevables dans le dossier de la procédure judiciaire à son encontre. Ils avaient été saisis la semaine dernière lors de la longue garde à vue de l’enquêtrice dans le cadre d’une enquête sur des atteintes au secret-défense dont est accusé le média Disclose.
La journaliste a qualifié mercredi soir de «très inquiétante» la décision prise par un juge des libertés et de la détention de valider ces saisies. «J’ai appris ce [mercredi] soir que le juge a décidé de verser [au dossier] la quasi-totalité des pièces qui ont été saisies à mon appartement», a-t-elle déclaré dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Le site Disclose précise que «sept pièces sur dix» vont être versées au dossier d’enquête. «Des notes manuscrites, des mails… C’est une décision absolument scandaleuse, très inquiétante […] pour les journalistes et vous tous qui nous informez au quotidien sur des affaires sensibles qui touchent à la responsabilité de l’Etat», a insisté Mme Lavrilleux.
«Ce serait la mise en examen du journalisme»
A la suite de la publication de son enquête sur l’opération militaire Sirli qui avait mis en lumière un possible détournement par l’Egypte d’une opération de renseignement française, Ariane Lavrilleux est accusée de «compromis du secret de la défense nationale et révélation d’information pouvant conduire à identifier un agent protégé» et risque une mise en examen. «Au-delà de moi, ce serait la mise en examen du journalisme. C’est juste une autre manière de censurer toutes les affaires qui pourraient sortir», mettait en garde la journaliste d’investigation dans une interview publiée mercredi par l’Obs.
Après la fin de garde à vue de la journaliste, qui aura duré quarante heures, un ex-militaire, suspecté de l’avoir renseignée, a été mis en examen pour détournement et divulgation du secret de défense nationale par son dépositaire. Deux infractions passibles de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Il a été placé sous contrôle judiciaire, selon le ministère public.
Reportage
Pour Disclose, cette intervention de la DGSI est un «nouvel épisode d’intimidation inadmissible à l’égard» de ses journalistes visant à «identifier [les] sources ayant permis de révéler l’opération militaire Sirli en Egypte». Le secret des sources est pourtant protégé de manière extensive. La loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit qu’il ne peut y être porté atteinte «directement ou indirectement» qu’en cas d’«impératif prépondérant d’intérêt public» et via des «mesures strictement nécessaires et proportionnées». L’annonce de la mesure coercitive visant la journaliste a suscité une profonde indignation dans la profession, qui s’inquiète pour la protection du secret des sources.
Des rassemblements ont eu lieu mercredi 20 septembre dans plusieurs villes, telles que Paris, Lyon ou Marseille. Plusieurs associations majeures défendant la liberté de la presse, telles que Reporters sans frontières (RSF) et Amnesty International, ont également condamné la mesure.