L’ancienne professeure de français d’Evaëlle, 11 ans, Pascale B., a été relaxée ce jeudi 10 avril par le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise). Elle était poursuivie pour harcèlement à l’encontre de la pré-adolescente, qui avait fini par se suicider en juin 2019. «Révoltés», les parents d’Evaëlle vont faire appel, a annoncé leur avocate, Me Delphine Meillet.
Mais si le parquet ne fait pas appel de son côté, il n’y aura pas de second procès au pénal. L’enseignante pourra être toutefois rejugée en appel au civil et éventuellement être condamnée à verser des dommages et intérêts. «Je suis dans l’incompréhension totale», a déclaré en larmes la mère d’Evaëlle, après la décision du tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise).
L’enseignante d’Evaëlle a, elle, salué «la vérité [qui] éclate enfin». «Je ne pouvais pas m’exprimer tant que l’instruction était en cours, je peux dire aujourd’hui que le jugement du tribunal correspond aux éléments du dossier», a estimé l’enseignante de 62 ans dans une déclaration écrite transmise à l’AFP.
Dans ses réquisitions le 11 mars, au terme de deux jours d’audience, la procureure avait demandé 18 mois de prison avec sursis et une interdiction définitive d’enseigner à l’encontre de cette femme de 62 ans. L’ancienne enseignante était dans une position de «toute puissance» et avait un «contact assez rude avec les élèves», avait décrit le ministère public.
A lire aussi
Dans sa relation avec Evaëlle, l’ex-professeur «la jette en pâture au collectif, la fait pleurer». Son «harcèlement est le déclencheur et catalyseur du harcèlement des mineurs», a affirmé la procureure. L’arrivée en 6e au collège Isabelle-Autissier d’Herblay dans le Val-d’Oise avait été éprouvante pour l’adolescente, bouc émissaire de camarades qui l’insultent et la violentent. Dès septembre 2018, elle avait également fait face à des tensions avec sa professeure de français autour de la mise en place d’un protocole médical relatif à des problèmes de dos.
«Je ne voulais pas qu’elle pleure»
Un portrait très contrasté de l’enseignante aux trente années d’expérience sans accroc a été brossé par ses anciens collègues. «Autoritaire et cassante» d’un côté, «bienveillante et aidante» de l’autre. Pour l’une des victimes, elle avait «ses chouchous et ses cibles».
Face au tribunal, elle a exprimé peu de regrets sur sa pratique professionnelle. Confrontée à une kyrielle de témoignages relatant des humiliations sur des élèves - «tu es bête, tu vas finir SDF», «on peut pas être bête à ce point, tu n’as pas de cerveau» -, l’ancienne enseignante a contesté plusieurs insultes et admis certaines paroles.
A lire aussi
«Oui, ça m’arrivait de crier, de dire ça dans des moments», a reconnu Pascale B., estimant qu’elle était «exigeante», «à l’écoute» et déterminée à «aider ses élèves». «Je n’ai pas humilié Evaëlle», a-t-elle affirmé à plusieurs reprises, très marquée par le fait d’avoir été initialement mise en cause pour le décès de l’adolescente.
«J’ai dû lui dire : «Arrête de pleurer», phrase idiote à dire. Je ne voulais pas qu’elle pleure, ce n’était pas l’enjeu», a expliqué la sexagénaire au sujet d’heures de vie de classe litigieuses. Durant une session consacrée au harcèlement scolaire, l’enseignante avait demandé aux élèves d’exprimer leurs reproches à Evaëlle qui devait ensuite s’expliquer. Face à ses pleurs, l’enseignante s’était énervée et lui avait intimé de répondre aux questions, d’après les récits des élèves. «Ce n’était pas dans le but de la mettre en difficulté mais essayer de régler ce problème relationnel dans la classe», s’est justifiée la prévenue.
Mais pour Evaëlle, comme elle le raconte à sa mère, «c’était la pire journée de toute ma vie». La pré-adolescente change de collège, elle va d’abord mieux mais fini par être rattrapée par des difficultés, notamment avec un camarade. «Elle n’a trouvé qu’une solution pour s’échapper», a estimé son père. Le 21 juin 2019, Evaëlle se pend à son lit, à 11 ans.
A savoir
Si vous avez des idées suicidaires, ne restez pas seul·e. Parlez-en à vos proches et contactez votre médecin traitant, ou le 3114 (numéro national gratuit 24h/24, 7 jours/7, écoute professionnelle et confidentielle) ou le 15 (Samu).
Mise à jour : à 17 h 35 avec la réaction de l’enseignante d’Evaëlle.