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Justice

Affaire Griveaux: Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo seront jugés en correctionnelle

L’activiste russe et l’ancienne étudiante à Assas comparaitront pour atteinte à l’intimité de la vie privée dans le cadre de l’affaire qui a entrainé le retrait forcé de la politique de l’ancien secrétaire d’Etat macroniste .
Piotr Pavlensky, l'artiste activiste russe à l'origine de la fuite de la vidéo intime de Benjamin Griveaux, en février 2020. (Martin Bureau/AFP)
publié le 6 septembre 2022 à 15h51

Il y aura donc un procès pour l’affaire Griveaux. L’artiste russe Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra de Taddeo, soupçonnés d’avoir diffusé mi-février 2020 des vidéos à caractère sexuel qui avaient entraîné la chute du ténor de la majorité Benjamin Griveaux, alors candidat aux municipales à Paris, seront jugés en correctionnelle à Paris. L’activiste russe de 38 ans, et l’ancienne étudiante d’Assas de 31 ans, comparaîtront pour «atteinte à l’intimité de la vie privée», selon une ordonnance signée lundi 5 septembre par deux magistrats.

Le couple est accusé d’avoir enregistré puis diffusé sur Internet ces vidéos intimes, qui avaient provoqué un scandale politique. L’impact de leur diffusion avait aussi été «très difficile et très violent» pour sa vie professionnelle et familiale, avait déclaré Benjamin Griveaux, 44 ans, en janvier 2021 devant les magistrats instructeurs. Ancien secrétaire d’Etat, porte-parole du gouvernement et député, il a peu à peu abandonné sa carrière politique et s’est reconverti dans l’entrepreneuriat et à la télévision.

«Pornopolitique»

Connu pour s’être coupé un morceau d’oreille, cloué les testicules sur la Place Rouge à Moscou ou avoir incendié en 2017 la façade d’une succursale de la Banque de France à Paris, Piotr Pavlenski, réfugié politique en France depuis 2017, avait revendiqué sa démarche, présentée comme artistique et militante, sous le slogan «Pornopolitique». Le montage de ces vidéos, adressées par Griveaux à de Taddeo lors de leur brève relation, entre mai et août 2018, avait été publié brièvement une première fois sur un blog le 1er février 2020, puis une seconde fois, avec un fort retentissement, le 12 février sur un site très visité, créé par Pavlenski lui-même. Dans la foulée de la diffusion des vidéos et de leur interpellation rocambolesque à Paris, le couple avait été mis en examen le 18 février 2020.

Dans leur ordonnance, les juges relèvent qu’aussi bien Piotr Pavlenski qu’Alexandra de Taddeo ont «reconnu» avoir délibérément enregistré ces images. L’ancienne étudiante en droit a expliqué les conserver par mesure de précaution afin de «prouver» sa relation avec l’ex-ministre. Les juges mettent en revanche en doute les affirmations d’Alexandra de Taddeo selon qui la diffusion des images «aurait été effectuée par son compagnon sans qu’elle soit d’accord, ni même sans qu’elle en ait été préalablement informée». Ils retiennent plutôt «son implication directe» au vu de «plusieurs éléments factuels» comme le soutien, y compris financier, d’une association qu’elle présidait, apporté au site «Pornopolitique». Ou alors un écrit attribué à Alexandra de Taddeo indiquant : «Mon amant est ton ennemi, il veut te casser le cou et moi pour briser ta vie et la fausseté de votre image publique il dit que c’est un acte politique.»

Branco mis hors de cause

Suivant l’avis du ministère public, les magistrats instructeurs ont en revanche définitivement mis hors de cause Juan Branco, un des avocats de Pavlenski, bien qu’ils estiment qu’«il a vraisemblablement joué un rôle actif dans la diffusion des vidéos litigieuses». Placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté en 2021, «les investigations n’ont pas permis de déterminer précisément sa participation», concèdent les juges, déplorant que l’avocat se soit «réfugié derrière [son] statut» de conseil de Pavlenski «pour refuser de répondre aux questions».

Pour Piotr Pavlenski, ce renvoi vers un procès «était absolument attendu […] car Pornopolitique est [son] œuvre d’art, et en tant qu’artiste, [il y a] apposé [s]a signature». «Et puisque le système de valeurs de l’art contemporain est en conflit avec le système de valeurs du code pénal, alors en signant mon œuvre d’art, j’ai signé d’avance mon verdict», a-t-il ajouté. De leurs côtés, les conseils de Benjamin Griveaux, Me Richard Malka et l’avocate d’Alexandra de Taddeo, Me Noémie Saidi-Cottier, n’ont pas souhaité réagir.