La Cour de cassation a demandé ce mercredi 10 septembre à la cour d’appel de Paris de réexaminer l’éventuelle prescription des faits reprochés à Alexis Kohler, l’ex-bras droit d’Emmanuel Macron, dans l’enquête sur ses liens familiaux avec l’armateur MSC qui lui vaut une mise en examen pour prise illégale d’intérêts.
En novembre 2024, la cour d’appel de Paris a rejeté la prescription des faits que réclamait Alexis Kohler dans ce dossier à l’instruction depuis juin 2020. Estimant que la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision, la Cour de cassation a annulé ce mercredi cet arrêt, et demandé à la chambre de l’instruction, «autrement composée», de se pencher de nouveau sur ce dossier.
Alexis Kohler, 52 ans, est mis en cause pour avoir participé comme haut fonctionnaire à plusieurs décisions relatives au groupe franco-italien MSC, dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte. D’abord entre 2009 et 2012, lorsqu’il représentait l’Agence des participations de l’Etat (APE) aux conseils d’administration de STX France (devenu Chantiers de l’Atlantique) et du Grand port maritime du Havre (GPMH), deux entreprises ayant des liens commerciaux avec MSC. Puis entre 2012 et 2016, lorsqu’il était à Bercy au cabinet de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron.
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Au cœur de la problématique juridique figure l’éventuelle dissimulation par Alexis Kohler de ces liens familiaux, ce qui rend l’infraction «occulte» jusqu’à sa révélation publique, empêche de considérer les faits comme prescrits et permet d’en poursuivre l’intégralité, soutiennent l’association Anticor, qui a déposé plainte, les juges d’instruction et la cour d’appel.
Mais, pour les avocats de l’ex-secrétaire général de l’Elysée (mai 2017-avril 2025), le délai de prescription n’a pas débuté en 2018 avec des articles de Mediapart comme le soutiennent les juges d’instruction, mais a au contraire expiré en 2014. Le ministère public a toujours défendu lui aussi cette large prescription.
La Cour de cassation estime que «le silence gardé par Alexis Kohler, au surplus à l’égard de seulement certains des dirigeants des entités au conseil d’administration desquelles il siégeait, n’est pas à lui seul de nature à caractériser un acte positif constitutif d’une manoeuvre caractérisée de dissimulation».
Par ailleurs, «si la chambre de l’instruction a relevé le silence gardé par ses supérieurs hiérarchiques, informés de sa situation, vis-à-vis d’interlocuteurs institutionnels […], elle n’a pas caractérisé de concert frauduleux destiné à empêcher la découverte de l’infraction», souligne-t-elle encore.
Pour la Cour, «l’absence d’information écrite ou de mise en place d’un dispositif précis de déport à une époque où la loi ne le prévoyait pas n’est pas de nature à établir une manoeuvre de dissimulation, a fortiori lorsque les juges constatent que les supérieurs hiérarchiques de Alexis Kohler avaient été eux-mêmes informés oralement de sa situation».
Intérêts publics «lésés»
En novembre 2024, la cour d’appel, en écartant la prescription, avait estimé que si Alexis Kohler avait informé son entourage professionnel de son lien de parenté, il s’agissait d’une «révélation parcellaire […] à certains initiés et notamment à sa hiérarchie directe» à l’APE comme à Bercy. Comme les juges d’instruction, elle avait évoqué un «pacte de silence» entre M. Kohler et ses collaborateurs directs de l’époque.
«La Cour de cassation confirme ce qu’Alexis Kohler n’a cessé d’indiquer depuis le début, à savoir qu’il n’a jamais dissimulé à sa hiérarchie ou à son entourage professionnel les liens personnels qu’il avait avec les actionnaires de MSC, bien au contraire, allant même au-delà des obligations légales en vigueur à l’époque», a déclaré à l’AFP l’entourage d’Alexis Kohler.
Billet
«Nous nous réjouissons de voir que la Cour de cassation suit aujourd’hui l’argumentation qui a toujours été la nôtre : Bruno Bézard n’a jamais commis une quelconque infraction», ont commenté de leur côté Mes Kyum Lee, Patrick Klugman et Rémi Lorrain, les avocats de ce haut fonctionnaire mis en examen pour complicité de prise illégale d’intérêts. Un autre fonctionnaire Jean-Dominique Comolli est poursuivi du même chef.
Anticor n’a pas commenté dans l’immédiat cette décision. Le 28 mai, lors de l’audience devant la Cour de cassation, l’avocat de l’association, Me Frédéric Rocheteau, avait énuméré de nombreux épisodes, entre 2009 et 2016, où Alexis Kohler aurait pris part à des décisions relatives à MSC, caractérisant une situation «lourdement conflictuelle» et estimant que des intérêts publics avaient été «lésés».
Mise à jour : à 16h03, avec l’ajout de la décision de la Cour de cassation.