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Justice

Affaire Le Scouranec : une information judiciaire ouverte pour non-empêchement de crime

Le procureur de Lorient a déclaré ce vendredi 18 juillet mener des investigations sur les failles qui ont permis au pédocriminel d’exercer sa profession de chirurgien malgré les alertes sur son comportement.
Le procureur de la République de Lorient, Stéphane Kellenberger, le 7 octobre 2024 (Kevin Guyot/Ouest France. MAXPPP)
publié le 18 juillet 2025 à 12h21
(mis à jour le 18 juillet 2025 à 15h11)

Une affaire dans l’affaire. Le parquet de Lorient a annoncé ce vendredi 18 juillet avoir ouvert une information judiciaire dans l’affaire Le Scouranec pour «abstentions volontaires d’empêcher des crimes et délits», confirmant une information de Ouest-France. Ce rebondissement intervient à la suite du procès de l’ex-chirurgien reconnu coupable fin mai de viols et agressions sexuelles sur près de 300 patients.

Par cette nouvelle procédure, ouverte contre X, les investigations vont se porter sur les failles qui ont permis à Joël Le Scouarnec d’exercer sa profession sans être entravé, en dépit des alertes sur ses agissements. Sur ce plan, une enquête préliminaire avait été ouverte il y a cinq ans.

«A la suite de l’enquête préliminaire initiée par mes soins en 2020 sur ces mêmes qualifications, cette saisine va permettre au magistrat instructeur de diligenter, dans ce cadre, tous actes utiles complémentaires, notamment aussi à la lumière des éléments issus du procès» qui s’est tenu devant la cour criminelle du Morbihan de fin février à fin mai, a ajouté le magistrat.

Joël Le Scouarnec, pourtant condamné dès 2005 pour détention d’images pédopornographiques à quatre mois de prison avec sursis, avait continué à exercer sans encombre en tant que chirurgien dans différents établissements de l’ouest de la France, multipliant les victimes jusqu’à son arrestation. Ni les autorités sanitaires, ni les institutions hospitalières ni les différentes instances de l’Ordre des médecins n’avaient agi pour encadrer sa pratique médicale.

Lors du procès, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), qui s’était constitué partie civile, avait notamment dit «regretter» les «dysfonctionnements» ayant permis au chirurgien de poursuivre sa carrière pendant plus d’une décennie après sa première condamnation pour pédocriminalité.

Ceux «qui savaient, mais n’ont rien fait»

Selon le procureur de Lorient, Stéphane Kellenberger, cité par Ouest France, il faut distinguer «ce qui pourrait relever de la responsabilité civile ou administrative et de la responsabilité pénale. Il y a ceux qui savaient mais qui, peut-être pas sciemment, ont fait preuve de négligence». Cette procédure ciblera aussi celles ou ceux «qui savaient, mais n’ont rien fait. Et cela relèverait plutôt du pénal», affirme le magistrat.

Pour Me Thibaut Kurzawa, avocat de la défense, cette ouverture d’une information judiciaire est «logique» et «n’est pas une surprise». Joël Le Scouarnec «a toujours reconnu ses actes, il les a même avoués cette année, donc, après [...] si on estime que d’autres personnes ont une part de responsabilité dans la survenance, voire la poursuite des actes de M. Le Scouarnec, c’est à la justice de le dire», a-t-il ajouté.

L’ex-chirurgien a été condamné le 28 mai à vingt ans de réclusion par la cour criminelle du Morbihan à l’issue de presque trois mois d’un procès particulièrement éprouvant à Vannes. Pendant le procès, une nouvelle «enquête préliminaire concernant des victimes éventuellement non identifiées ou nouvellement déclarées» du pédocriminel avait été ouverte. Le 28 février, Joël Le Scouarnec avait notamment reconnu «des actes d’abus sexuels» sur sa petite-fille, face à l’un de ses fils venu témoigner à la barre et père de l’enfant.

Jeudi, le collectif de victimes de l’ex-chirurgien a annoncé la création d’un numéro vert pour apporter une aide aux victimes mais aussi aux co-victimes (parents, enfants) et aux «professionnels de cette affaire», comme les avocats, magistrats, policiers ou journalistes.

Mise à jour à 15 h 11 avec davantage de contexte.