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Justice

Affaire Nekfeu : l’ex-compagne du rappeur jugée mercredi pour «non-représentation d’enfant»

Violences conjugalesdossier
Après une bataille de communiqués de presse sur fond de séparation compliquée et d’accusations gravissimes, Mme B. est jugée ce mercredi 29 janvier pour ne pas avoir remis son enfant à de multiples reprises à son ancien conjoint, le rappeur Nekfeu.
Le rappeur Nekfeu aux 31es Victoires de la musique, au Zénith de Paris, en 2016. (Nasser Berzane/ABACA)
publié le 28 janvier 2025 à 21h53

C’est un épisode concret dans une violente bataille judiciaire étalée sur la place publique. Mme B. est jugée ce mercredi 29 janvier devant la 26e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour «non-représentation d’enfant». Concrètement, le rappeur Nekfeu, 34 ans, accuse Mme B., 32 ans, de ne pas lui avoir remis leur enfant aujourd’hui âgé de 3 ans à de multiples reprises, entre 2022 et 2024. Depuis un jugement prononçant le divorce le 28 mars 2024, la résidence du garçon a été fixée chez l’artiste et la mère récupère son fils un vendredi sur deux, jusqu’au dimanche. Mais Mme B. a fait appel de cette décision. Contactée par Libération, son avocate, Me Florence Fekom, insiste sur le fait que sa cliente est «épuisée psychiquement» car «assaillie par les procédures». «C’est un parcours de combattante qu’elle mène pour protéger son enfant.»

Car l’affaire entre les deux anciens conjoints est aussi complexe que leur bras de fer médiatico-judiciaire est acharné. Le 3 novembre 2024, Me Fekom publie sur X (ex-Twitter) un communiqué dans lequel elle affirme que sa cliente a «dénoncé auprès des services de police des faits de violences psychologiques, sexuelles et physiques commis durant leur relation, soit pendant près de quatre ans». Mme B. aurait alors notamment évoqué «des faits de viols» perpétrés par Ken Samaras – le vrai nom de Nekfeu – «à plusieurs reprises». Selon Me Fekom, sa cliente vivrait alors «un véritable enfer» depuis qu’elle a quitté le père de son enfant, cinq mois après le début de sa grossesse et souffrirait d’un stress post-traumatique «qui résulte des violences infligées par M. Samaras». Elle aurait donc décidé de porter plainte.

Des plaintes dans les deux sens

Dès le lendemain, le 4 novembre, le parquet de Paris intervient pour clarifier la situation. Confirmant que Mme B. a bien déposé plusieurs plaintes, le ministère public précise alors que la quasi-totalité de ces procédures ont été classées sans suite, à chaque fois parce que «l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée» : une plainte du 21 décembre 2022 pour viol classée le 14 septembre 2023. Une dénonciation de violence sur ex-conjoint en présence d’un mineur, classée le 22 janvier 2024. Une plainte pour harcèlement sur ex-conjoint, classée le 16 mai 2024. Une autre plainte, pour faux et usage de faux, déposée le 17 mai 2024, est toujours en cours.

Enfin, le parquet de Paris ajoute que cinq plaintes ont également été déposées par le rappeur contre son ex-conjointe, toutes pour «non-représentation d’enfant», dont deux avaient déjà classées «au motif que des poursuites apparaissaient disproportionnées au regard de la situation». On apprend alors que Mme B. est en garde à vue «pour non-représentation d’enfant», qu’elle est sous contrôle judiciaire et qu’elle sera jugée fin janvier.

Dans la foulée, le rappeur Nekfeu publie via le compte X de son avocate, Me Marie-Alix Canu-Bernard, un communiqué pour qualifier celui de Me Fekom de «mensonger et diffamant». Le rappeur révèle avoir entamé une procédure de divorce il y a trois ans, ce que son ex-conjointe «n’a jamais acceptée», selon lui. Il affirme qu’elle lui faisait du chantage, menaçant de médiatiser l’affaire s’il ne lui versait pas «une somme importante». Son avocate précise à Libération que l’enfant a été mis en sécurité par des policiers mais que le parquet avait ouvert «une enquête pour disparition inquiétante» la semaine précédant le 3 novembre car Samaras n’avait plus de nouvelles de son fils et de son ex-compagne depuis une semaine.

C’est dans ce cadre que Mme B. est jugée à partir de demain. Dans le Figaro, l’avocate du rappeur dit déplorer «l’inflation d’accusations» portées par Mme B., «qui ne renforcent pas sa crédibilité». «C’est véritablement terrible de se perdre à ce point-là, en y mêlant au surplus d’extravagantes demandes financières, surtout lorsque l’intérêt d’un enfant est en jeu», attaque Me Canu-Bernard.

«Acharnement» et «asymétrie»

Le 24 janvier, le camp, puisqu’il s’agit désormais de cela, d’en face communique une nouvelle fois sur X. «Les éléments versés au dossier concluent de façon convergente sur le fait que notre cliente est une mère exemplaire, très soucieuse des besoins et de l’éducation de son enfant», écrit Me Florence Fekom. Celle-ci dénonce un «acharnement» de la part de Ken Samaras «depuis qu’elle a signalé les violences qu’il lui avait infligées». Si le divorce a bien été prononcé le 28 mars 2024, l’avocate ajoute que sa cliente a fait appel du jugement qui a donné la garde de l’enfant à Nekfeu, suspendant ainsi la procédure.

Elle conteste les nombreuses accusations de «non-représentation d’enfant», évoquant des cas où le rappeur faisait croire à Mme B. qu’il était en bas de chez elle, alors qu’il se trouvait au Japon. Puis accuse à son tour Ken Samaras d’avoir pris l’habitude «d’emmener l’enfant hors de Paris, y compris durant les week-ends de droit de visite et d’hébergement de [sa] cliente, en refusant de l’informer des lieux où se trouve l’enfant». Selon l’avocate, aucune plainte pour viol n’a été classée mais seulement «l’enquête préliminaire ouverte à la suite d’une main courante». Me Fekom annonce en outre qu’une nouvelle plainte pour des faits de «violences habituelles, viols, agressions sexuelles et harcèlement» sera déposée «très prochainement». Selon Le Monde, Mme B. accuse son ex-conjoint d’un viol qui aurait été commis à Agde le week-end du 10 octobre 2020. Les détails de la scène ont été décrits dans une attestation écrite et transmise à la justice par une amie de Mme B., qui dormait dans la même pièce cette nuit-là. Au Monde, Nekfeu qualifie cette accusation de «mensonge total» et réfute même la présence des deux femmes à Agde lors du week-end concerné.

Une autre plainte pour «diffamation, injure et incitation à la haine» après le communiqué de Nekfeu, devrait être déposée contre le rappeur. Enfin, Me Fekom dénonce «le traitement policier et judiciaire de ce dossier» et «l’asymétrie de traitement entre les faits extrêmement graves susceptibles d’être reprochés à M. Ken Samaras et l’attitude d’une mère qui a toujours eu le souci de protéger son enfant». Mme B. aurait ainsi saisi la Défenseure des droits.

Mise à jour : de mercredi 29 janvier à 10h40, ajout d’une accusation de viol le week-end du 10 octobre 2020 à Agde.