De la prison ferme réclamée pour sanctionner une «action violente» et des «pressions continues». Ce mercredi 4 décembre, au sixième jour du procès pour extorsion, enlèvement, séquestration et association de malfaiteurs délictuelle intenté par l’ancien milieu de terrain de l’Equipe de France de football Paul Pogba, le parquet a requis des peines d’incarcération ferme contre les six prévenus, tous des proches du plaignant, qui ont grandi avec lui dans le quartier de la Renardière, à Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne). Ils sont notamment accusés d’avoir mis en scène un braquage contre le footballeur, dans la nuit du 19 mars au 20 mars 2022, pour lui soutirer treize millions d’euros. Même le frère aîné du vainqueur de la Coupe du Monde 2018, Mathias Pogba, également mis en cause dans cette affaire mais poursuivi pour des faits moins graves, est visé par une réquisition de prison ferme.
A la barre
Face au tribunal, les deux procureures ont relevé les «précautions» prises par les prévenus (comme le fait de communiquer par la messagerie sécurisée Signal ou d’effacer certains messages) et les «échanges extrêmement soutenus» entre eux en amont de «l’agression violente» du 19 mars. Preuves, selon l’accusation, du caractère prémédité de l’attaque subie par le footballeur, suspendu pour dopage depuis le mois de septembre 2023. «Au matin du 19 mars, tout est prêt, tout a été minutieusement préparé […]. Les versions des mis en cause [selon lesquels ils sont eux-mêmes victimes du braquage] ne tiennent pas. A partir du moment où ils ont minutieusement préparé la séquestration, ils en sont également les acteurs», ont-elles déclaré.
«Mathias n’est pas passif»
Parmi les prévenus, c’est contre Roushdane K., 39 ans, que la réquisition du parquet est la plus lourde : huit ans d’incarcération. Considéré comme le «grand frère» du quartier de la Renardière, il est le seul à comparaître en détention provisoire, derrière son box vitré, celui aussi dont le casier judiciaire est le plus lourd (il compte déjà des condamnations pour tentative de meurtre et complicité d’enlèvement). Selon les procureures, il est «le chef d’orchestre» du chantage exercé contre Paul Pogba. Concernant Adama C., Boubacar C., Machikour K. et Mamadou M., les autres prévenus, le parquet a réclamé des peines de cinq ans de prison ferme, respectivement assorties de sursis d’un an, deux ans, trois ans et dix-huit mois. Il n’a retenu contre aucun des prévenus le chef d’accusation d’enlèvement, estimant qu’il n’était pas caractérisé.
Contre Mathias Pogba, qui n’était pas présent lors de la soirée du 19 mars 2022 et n’est donc pas visé par les poursuites pour enlèvement et séquestration, le parquet a requis trois ans de prison, dont deux avec sursis, et la possibilité d’un aménagement de peine pour la dernière année. L’homme de 34 ans, lui-même ancien joueur professionnel, entre dans le dossier seulement au mois de juillet 2022, accusé de diverses «pressions» directes et indirectes exercées sur son cadet.
«Le projet délictuel est déjà construit quand Mathias Pogba le rejoint. Sa place est particulière, elle s’inscrit dans le projet d’extorsion sans qu’il en ait eu connaissance au départ. Pour autant, il savait que le but du groupe était de prendre les treize millions d’euros à Paul, qu’il y avait volonté de nuire. Mathias n’est pas passif, il prend des initiatives», ont soutenu les procureures. La veille, l’intéressé avait reconnu lors de son interrogatoire avoir commis «un million d’erreurs» qu’il «regrette» désormais, à commencer par ces vidéos menaçantes à l’encontre de son frère publiées sur les réseaux sociaux en août 2022.
«Choc viscéral»
Carine Piccio, l’avocate de Paul Pogba, avait décrit pour sa part, mardi soir, «un enchaînement d’événements tragiques» alimenté par le «sentiment d’envie, de frustration et de rancœur» des prévenus. «La poule aux œufs d’or ne pondait plus», avait-elle résumé, en référence à l’interruption du soutien financier dont les amis d’enfance du footballeur avaient longtemps bénéficié. L’avocate avait relevé le «traumatisme» et le «choc viscéral» subi par son client : «Que les personnes les plus proches de lui soient le visage de cette histoire est effrayant pour lui. [Après la soirée du 19 mars 2022], il va passer en mode survie. Ce qui va prédominer chez lui, c’est la pression psychologique. Il a été trahi.»
Au titre de ce «préjudice moral», elle a réclamé une somme de 50 000 euros. Elle a aussi réclamé près de 200 000 euros au titre de divers «dons» et achats effectués sur le compte de Paul Pogba après les faits, à l’encontre de tous les prévenus sauf Mathias Pogba, dont il est établi qu’il n’a pas reçu d’argent de son frère au cours de cette période. Le procès s’achèvera jeudi par les dernières plaidoiries des avocats de la défense.