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Justice

Affaire Ramadan : l’expertise concluant à une emprise sur les plaignantes annulée

Violences sexuellesdossier
La cour d’appel de Paris a annulé une précédente expertise qui concluait à une emprise de Tariq Ramadan sur les plaignantes, à cause d’un vice de procédure. Une contre-expertise a été ordonnée.
Tariq Ramadan convoqué au tribunal de Genève pour une audition, le 10 novembre 2020. (Fabrice Coffrini/AFP)
publié le 17 juin 2021 à 18h26

La cour d’appel de Paris a annulé ce jeudi une expertise psychiatrique selon laquelle les femmes qui accusent Tariq Ramadan de viols étaient en partie sous son emprise. Mais de nouveaux experts vont devoir réexaminer cette question au cœur de l’affaire, a appris l’AFP auprès des avocats. L’expertise de mai 2020 du Dr Daniel Zagury a été invalidée par la chambre de l’instruction pour un vice de procédure, le célèbre psychiatre ayant interrogé plusieurs plaignantes ou témoins sans l’accord des juges d’instruction.

L’expert avait seulement été autorisé à consulter le dossier, dans lequel figuraient les déclarations des femmes concernées. La cour juge toutefois que «l’analyse des relations ayant pu exister entre les huit plaignants et témoins recensés […] et Tariq Ramadan constitue un élément central de la procédure qui doit impérativement faire l’objet d’une étude approfondie», qui pourrait être confiée à «un collège d’experts», selon l’arrêt consulté par l’AFP.

«L’expert a commis un abus de pouvoir qui a été sanctionné, c’est la juste application de la loi», s’est félicité Philippe Ohayon, un des conseils de Tariq Ramadan, mis en examen pour des soupçons de viols sur cinq femmes, ce que l’intellectuel suisse conteste fermement, plaidant des relations consenties. «Cette décision confirme bien qu’il n’y a plus de dossier Ramadan», assurent deux autres avocats de la défense, Nabila Asmane et Ouadie Elhamamouchi, considérant «la notion d’emprise» comme «une bouée de sauvetage pour sauver cette instruction du naufrage judiciaire». A l’inverse, pour Eric Morain, avocat de deux plaignantes, «la cour a ordonné une contre-expertise, preuve, s’il en est, que la question de l’emprise est plus que jamais au cœur de ce dossier».

Echanges «ambivalents»

Le débat sur la notion d’emprise s’est imposé dans cette affaire après que les plaignantes ont été parfois mises en difficulté par la révélation de leurs échanges avec l’universitaire, jugés «ambivalents» par les enquêteurs depuis une première plainte en octobre 2017.

Dans son rapport, le Dr Zagury décrivait en quatre étapes la relation instaurée par Ramadan : une «vénération» pour «l’intellectuel brillant» rencontré sur les réseaux sociaux, puis des échanges «de plus en plus érotisés avec une coloration sadomasochiste de domination/soumission», suivis d’une rencontre «décrite comme un enchaînement soudain et brutal» vers des pratiques sexuelles extrêmes, avant une quatrième phase de sentiments contradictoires (rancœur, culpabilisation, vengeance, admiration et sujétion persistantes).

Ce débat judiciaire sur la notion d’emprise est primordial pour les juges d’instruction qui doivent déterminer, avant d’ordonner un éventuel procès ou l’abandon des poursuites, si l’islamologue peut être ou non accusé d’avoir imposé des actes de pénétration sexuelle par une forme de «contrainte morale».