Six années de prison. C’est la peine qui a été requise contre Mohamed M., 41 ans, qui comparaissait ce lundi 6 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris. Il comparaissait pour refus d’obtempérer aggravé et violences aggravées contre des policiers, plus de trois ans après avoir refusé de stopper son véhicule lors d’un contrôle dans le XVIIIe arrondissement à Paris, en juin 2022.
Ce refus d’obtempérer avait entraîné des tirs des agents de police, blessant mortellement la passagère du véhicule, Rayana B., 21 ans, d’une balle dans la tête. Elle mourra le lendemain à l’hôpital.
«Détermination à se soustraire aux contrôles»
En mai, la justice a ordonné un non-lieu pour l’auteur du tir mortel. Les juges d’instruction ont estimé que les fonctionnaires ont pu légitimement croire à un danger de mort et que les tirs des agents étaient justifiés par la situation créée par Mohamed M., «du fait de ses multiples refus d’obtempérer, de sa détermination à se soustraire aux contrôles, du danger objectif qu’il représentait pour les autres usagers de la route et surtout, s’agissant de la séquence de tirs en elle-même, de la menace légitimement perçue par les fonctionnaires de police».
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«J’étais persuadé qu’il allait m’écraser», a assuré à la barre l’un des policiers, en martelant avoir usé de son arme parce qu’«on était en danger : c’est pas qu’un ressenti». Le mis en cause, dont la forte alcoolémie rappelle qu’il sortait de discothèque - il roulait en outre sans permis, une infraction pour laquelle il avait déjà été condamné - proteste au contraire de toute intention de blesser les fonctionnaires : «Si j’ai pris la fuite, c’est par panique. Par instinct de survie. On m’a tiré dessus à neuf reprises.» Pourquoi avoir refusé d’obtempérer dès le départ ? «J’étais en semi-liberté, je voulais pas me faire attraper», poursuit celui qui a fait fi de sept injonctions de s’arrêter.
«Ça veut dire que le refus d’obtempérer peut-être sanctionné par la mort ?»
«C’est une évidence [qu’il] n’a pas voulu le décès de Rayana, a posé de son côté le procureur. Pour autant, son comportement a été d’une inconséquence telle qu’il a mis en danger l’ensemble des occupants dans son véhicule.» Et d’interroger : en matière de délit de fuite, «quels faits pourraient être plus graves que ça ?»
«Ça veut dire que le refus d’obtempérer peut-être sanctionné par la mort ?», a rétorqué l’un des avocats de la défense, Raphaël Kempf, qui a assuré que son client «n’a jamais cherché à s’en prendre aux policiers, à violenter ou à écraser qui que ce soit». L’autre avocate du conducteur, Louise Tort, s’est encore émue «qu’on préfère entendre, plutôt que les expertises, des policiers qui sont aujourd’hui sur le banc des parties civiles et qui seront demain, peut-être, sur un autre banc», comprendre celui des prévenus.
La famille de Rayana B. avait indiqué avant l’audience qu’elle ne souhaitait pas se constituer partie civile et assister au procès du chauffard, comme l’a révélé le Parisien. «Selon eux, le policier auteur du coup de feu est l’unique responsable de sa mort», rappellent nos confrères. «Nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles le procès du conducteur intervient avant l’achèvement de la procédure concernant l’auteur du tir», a-t-elle écrit dans une lettre lue par le président du tribunal, dans laquelle elle dénonçait un «complet déséquilibre».
L’avocat des proches de Rayana B., Florian Lastelle, affirme que la famille de la jeune femme avait été «sidérée» par le non-lieu ordonné en mai par la justice et a interjeté appel, se sentant «profondément méprisée par les termes approximatifs de cette décision, dont la motivation est particulièrement lacunaire et mince». Pour ses proches, juger Mohamed M. «avant que la procédure sur le non-lieu ne soit purgée ferait courir “un risque […], celui de la recherche préalable d’une justification au tir”.»