Il n’y aura certainement jamais de procès dans l’affaire Rémi Fraisse. Dans ce dossier emblématique des dérives du maintien de l’ordre et de la dangerosité des armes dites intermédiaires, la famille a enchaîné les revers judiciaires. Celui-ci en est un nouveau, de taille. Dans un arrêt rendu ce mardi 23 mars, la Cour de cassation a confirmé le non-lieu en faveur du gendarme qui avait lancé la grenade dite «offensive», composée de TNT, qui avait tué le militant écologiste âgé de 21 ans, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, au cours d’affrontement à la ZAD de Sivens (Tarn). Des manifestants s’opposaient alors à un projet de barrage, finalement abandonné.
Après la mort du jeune homme, une commission d’enquête parlementaire avait notamment été créée et le ministère de l’Intérieur avait retiré de l’armement cette grenade explosive. Mais l’enquête judiciaire a mis hors de cause les gendarmes en janvier 2018. Une décision confirmée par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Toulouse en janvier 2020. La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, en rejetant tous les arguments soulevés par la famille de Rémi Fraisse, enterre donc l’affaire.
Arguments balayés
Dans son pourvoi, Patrice Spinosi, l’avocat des plaignants, soutenait notamment que le lancer d’une telle grenade n’était pas légalement justifié si son usage n’était pas «absolument nécessaire» et «strictement proportionné». Jean-Christophe J., le gendarme auteur du tir, avait expliqué avoir dû utiliser cette arme car il n’avait pas sur lui de grenade GLI-F4, dont la charge de TNT est environ trois fois inférieure. L’avocat rappelait également que l’enquête avait permis de déterminer que le militaire avait utilisé sa grenade alors que les conditions de visibilité était très mauvaise et qu’un grillage l’avait contraint à un lancer en cloche, alors que cette arme doit être utilisée au sol. La munition avait atterri dans le dos de Rémi Fraisse.
Dans son arrêt, la cour de cassation balaie cette démonstration et affirme que les magistrats ont établi «le caractère absolument nécessaire et proportionné de l’usage d’une grenade dont le type était alors autorisé». De même pour les autres arguments des plaignants qui estimaient notamment que l’enquête n’était pas impartiale car elle avait été menée dans un premier temps par la gendarmerie locale et que les juges d’instruction se sont opposés plus tard à un certains nombre de demandes d’actes.
«Pour nous, il existe bien évidemment une atteinte aux libertés fondamentales, avec d’une part une atteinte au droit à la vie et d’autre part au droit d’accès au tribunal», explique à Libération Patrice Spinosi. La famille souhaite désormais porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. «Cette juridiction est parfaitement désignée pour pouvoir examiner ce type de dossier, et cela peut aboutir à une condamnation de la France qui permettrait de demander un réexamen du non-lieu, et la tenue d’un procès.» Une perspective pour l’instant encore bien lointaine.