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Justice

Agression d’une adjointe au maire à Saint-Denis : trois ans de prison ferme pour le chef d’entreprise commanditaire

Mouloud Bezzouh, homme d’affaires très engagé dans le milieu associatif, a été reconnu coupable d’avoir envoyé, en décembre 2023, des jeunes passer à tabac Oriane Filhol, adjointe au maire de Saint-Denis, près de Paris. Le motif de cette agression est encore inconnu.
Près de six mois après l’agression de cette élue de 32 ans, le commanditaire, Mouloud Bezzouh, vient d’être condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, par le tribunal correctionnel de Bobigny. (Ludovic Marin /AFP)
publié le 27 juin 2024 à 11h47

«J’ai perdu une partie de ma liberté, de mon indépendance, auxquelles je tiens beaucoup. Je ne peux plus me déplacer après une certaine heure seule, j’ai besoin que des collègues me raccompagnent jusqu’à mon domicile.» Les blessures physiques sont légères, mais les séquelles psychologiques sont lourdes pour Oriane Filhol, adjointe au maire de Saint-Denis en charge des solidarités. Près de six mois après l’agression de cette élue de 32 ans, le commanditaire, Mouloud Bezzouh, vient d’être condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, par le tribunal correctionnel de Bobigny, qui est allé au-delà des réquisitions du parquet qui avait demandé quatre ans de prison, dont un avec sursis.

Serial entrepreneur et engagé dans le monde associatif, l’homme de 57 ans est bien connu dans cette ville de la Seine-Saint-Denis. Il a été reconnu coupable d’avoir envoyé trois jeunes hommes, contre une rémunération de 2 500 euros chacun, passer à tabac Oriane Filhol alors qu’elle rentrait chez elle, le 20 décembre 2023. La raison d’un tel déchaînement de violence est encore inconnue. Placé sous contrôle judiciaire après son arrestation en mars, Mouloud Bezzouh n’a pas révélé à la barre les motivations de cette agression préméditée puisqu’il n’est ni venu à l’audience qui s’est tenue le 11 juin, ni à l’annonce du délibéré le 27 juin. La justice a émis un mandat de dépôt à son encontre, autrement dit, son placement en détention.

«Un moment important sur la question de l’agression des élus»

Retour le 20 décembre 2023. Ce soir-là, Oriane Filhol, membre du parti de gauche Génération·s, rentre chez elle après d’une réunion à Saint-Denis du conseil d’administration du bailleur social Plaine Commune Habitat, dont elle assure aussi la vice-présidence. L’élue comprend qu’elle est suivie par deux hommes. Inquiète, elle essaie de les semer, et finit par courir pour se sauver. Mais l’un des deux hommes la rattrape et la frappe à la tête, avant de prendre la fuite.

Un mois plus tard, trois jeunes hommes de Saint-Denis, âgés de 18 à 22 ans, sont arrêtés et condamnés. A leur procès, ils ont expliqué s’être vus promettre 2 500 euros chacun pour attaquer une personne qu’ils ne connaissaient pas. Ils refusent de donner le nom du commanditaire. «Si je parle de lui à la police, je sais ce qu’il peut me faire, madame. Comme je l’ai dit [à un enquêteur], je sais pourquoi je ne vais jamais sortir son prénom, je sais ce qu’il peut me faire», a dit à la barre l’un des trois jeunes en janvier.

Oriane Filhol n’est pas la seule femme politique à avoir été une cible ces dernières années. D’autres personnalités politiques ont témoigné des insultes, messages de corbeaux ou encore menaces qu’ils reçoivent. Alors, la condamnation de Mouloud Bezzouh «marque un moment important sur la question de l’agression des élus locaux en France, c’est vraiment un soulagement», a déclaré à l’AFP Katy Bontinck, première adjointe au maire PS Mathieu Hanotin, à la sortie de l’audience. «Cette réponse ferme vient marquer cette nécessité d’ouvrir les yeux sur le fait que demain la démocratie représentative n’aura plus de représentants, notamment à l’échelon local», a-t-elle estimé.