Des mois que l’état de santé d’Alain Delon est quasi devenu un sujet de débat public, alimenté par la guerre fratricide que se livrent ses trois enfants. Une expertise médicale, remise aux enquêteurs le 13 octobre 2023 et révélée ce jeudi 25 janvier par Le Parisien-Aujourd’hui en France, risque d’alimenter encore un peu plus les spéculations sur les facultés du comédien à disposer de ses besoins.
Pour le médecin généraliste mandaté, expert judiciaire inscrit auprès de la Cour d’appel d’Orléans, le dossier médical d’Alain Delon témoigne, depuis août 2023, d’«une dégradation psychologique et physique correspondant à une altération majeure de sa santé mentale propre à l’abolition totale du discernement». Ainsi, l’acteur de La Piscine et de Monsieur Klein, serait désormais «dans des conditions de dépendance physique complète, l’exposant à la soumission des personnes intervenant à son chevet pour ses besoins vitaux et pour les soins palliatifs.»
Quatre années de dégradation
Cette expertise médicale a été réalisée «sur pièces», selon nos confrères du Parisien, c’est-à-dire en analysant simplement le dossier médical de l’acteur, sans le rencontrer. Elle a fait suite à la plainte déposée initialement début juillet par les trois enfants Delon, Anouchka, 33 ans, Anthony, 59 ans et Alain-Fabien, 29 ans, contre l’ex-compagne et employée de leur père Hiromi Rollin, notamment pour violence sur personne vulnérable et abus de faiblesse.
Enquête
Leurs plaintes ont été classées sans suite mais ont généré un nouveau conflit entre la fratrie. Anouchka soutient que son père est encore en pleine possession de ses moyens pendant que ses deux frères souhaitent qu’il soit placé sous tutelle. Ces derniers estiment que Delon est manipulé par leur sœur, qui leur aurait caché son état de santé. Et souhaiterait le ramener en Suisse pour éviter de payer trop d’impôts sur l’héritage, accuse Anthony. Anouchka, elle, reproche à ses frères de mettre en péril la vie de l’acteur et affirme avoir voulu emmener leur père en Suisse pour qu’il puisse continuer à y être soigné.
Selon le médecin mandaté par la justice, l’état d’Alain Delon n’a cessé de se détériorer «au cours des quatre dernières années». L’acteur présente des «troubles cognitifs de nature vasculaire s’aggravant avec les accidents vasculaires cérébraux successifs (AVC) et se complétant de troubles cognitifs de nature dégénérative». «Cet état est de nature totale, directe et certaine pour rendre Monsieur Alain Delon vulnérable tant physiquement que psychologiquement», ajoute-t-il. Il détaille les quatre étapes ayant conduit, petit à petit, à la chute de sa lucidité, depuis sont premier AVC survenu en juin 2016. Une attaque cérébrale légère qui lui vaut d’être hospitalisé à Montargis. Selon l’expert, cité par le Parisien, ni les fonctions motrices de l’acteur, ni son discernement ne sont alors perturbés : «Monsieur Delon était alors en mesure de répondre efficacement à l’éventualité d’une situation de harcèlement ou d’entrave à ses conditions de vie».
«Découragement et perte de confiance»
En août 2019, l’acteur est victime de deux nouveaux AVC en moins d’un mois. Cités par l’expert, les médecins de la clinique Suisse où il est hospitalisé relèvent «un trouble dépressif» lié à son état de santé et aux difficultés qu’il rencontre pour «accepter sa situation». «Malgré une récupération progressive de sa motricité et de ses fonctions cognitives, Monsieur Delon exprime un découragement et une perte de confiance. Il affirme à plusieurs reprises ne plus vouloir vivre s’il doit demeurer handicapé», diagnostique l’équipe médicale.
Son discernement serait alors encore «quasi-complet» et le restera jusqu’à la troisième phase de sa dégradation, entamée le 17 septembre 2021 après un trauma crânien causé par une chute à son domicile. A cette période, les médecins lui diagnostiquent un cancer du système lymphatique. Il rédige ses directives anticipées un an et demi plus tard, en janvier 2023, dans lesquelles il demande à «être soigné en France et rester dans [sa] maison de Douchy pour cela». Il présente alors, selon le médecin expert, «une altération significative du discernement» s’exprimant par «un ralentissement de la pensée» et des «difficultés à résoudre des problèmes sociaux ou familiaux».
En août 2023, alors que ses enfants s’écharpent juridiquement avec Hiromi Rollin, Alain Delon entre dans la quatrième phase de son avilissement. Son lymphome gagne du terrain et contribue à diminuer encore un peu plus ses capacités motrices et cognitives. Désormais, la «dégradation psychologique et physique» de l’acteur correspond, selon l’expert, «à une altération majeure de sa santé mentale propre à l’abolition totale du discernement», «le plaçant dans des conditions de dépendance physique complète, l’exposant à la soumission des personnes intervenant à son chevet pour ses besoins vitaux et pour les soins palliatifs.»
Le procureur de Montargis a ordonné une deuxième expertise, confiée à un nouveau médecin généraliste, afin d’acter une éventuelle mise sous tutelle du comédien. Une consultation a eu lieu le 13 janvier au domicile d’Alain Delon, à Douchy (Loiret). Les avocats de ses enfants ont exposé sur ses supposées conclusions deux jours après cette rencontre, s’opposant sur l’interprétation à en tirer. Très attendues, elles n’ont pour l’heure fait l’objet d’aucune communication du parquet de Montargis.