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Libération
Volte-face

Amandine, morte de faim à 13 ans : la mère avoue pour la première fois «les actes de torture et de barbarie» sur sa fille

Accusée d’avoir affamé à mort sa fille Amandine, la mère a pour la première fois reconnu les faits, ce mardi 21 janvier, au deuxième jour de son procès devant la cour d’assises de l’Hérault, après la diffusion d’un enregistrement audio où l’on entend l’adolescente souffrir.
La cour d'assises de l'Hérault doit rendre son verdict vendredi. (Pascal Guyot/AFP)
publié le 21 janvier 2025 à 21h35

Avertissement

Cet article comprend des descriptions de maltraitances et peut choquer.

Des aveux inédits. Accusée d’avoir affamé à mort Amandine, adolescente de 13 ans, sa mère a pour la première fois reconnu les faits ce mardi 21 janvier, au deuxième jour de son procès devant les assises de l’Hérault. Le 6 août 2020, jour de sa mort d’un arrêt cardiaque au domicile familial de Montblanc, près de Béziers, la collégienne ne pesait plus que 28 kg pour 1,55 m, victime des «actes de torture ou de barbarie» pour lesquels sa mère, Sandrine P., 54 ans, est jugée depuis lundi. Des faits qu’elle a enfin reconnus, après avoir nié pendant quatre ans. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité, lors d’un verdict attendu ce vendredi au plus tard.

C’est la diffusion d’un enregistrement audio qui a provoqué un tel retournement de situation. Avant de suspendre l’audience ce mardi soir, le président de la cour, Eric Emmanuelidis, fait diffuser un son, enregistré en 2019 par des voisins. On distingue la voix de Sandrine P. et les cris, les pleurs et les sanglots d’Amandine : «Aïe, aïe, arrête, pas ça, j’ai mal…». S’en suit alors un échange entre le président et l’accusée.

– Madame, reconnaissez-vous les violences commises sur Amandine entre 2014 et le 17 mars 2020 ?

– Oui.

– Ainsi que les actes de torture et de barbarie commis entre le 17 mars et le mois d’août, notamment les humiliations, de l’avoir confinée dans une pièce pendant des semaines, de l’avoir affamée ?

– Oui, je reconnais.

Jusqu’alors cantonnée à la froideur, la mère se met soudainement à pleurer. «C’est la première fois que je vous vois pleurer», relève alors le magistrat. Dans la foulée, son compagnon, Jean-Michel C., 49 ans, qui encourt 30 ans de réclusion pour avoir «privé de soins ou d’aliments» sa belle-fille, reconnaît également les faits. «J’ai une culpabilité énorme là-dessus», avoue-t-il.

«Totalitarisme familial»

Longuement interrogée comme témoin ce mardi, avant ces aveux soudains, une autre de ses filles, Cassandra, 28 ans, avait raconté les violences et les privations de nourriture subies pendant l’enfance. «Un jour, ma mère m’a ouvert la tête avec un manche de balai», se souvient la jeune femme, qui n’avait jamais osé dénoncer ces faits. «Personne ne pouvait nous sauver, on ne pouvait qu’attendre nos 18 ans pour prendre notre envol et espérer que ceux qui restent survivent.» Ce que vous décrivez, «c’est du totalitarisme familial», lui fait remarquer le président de la cour, en évoquant l’ambiance instaurée par la mère de huit enfants, de trois pères différents, propriétaire d’une onglerie.

Entendu à sa suite, son frère Jérémy, 29 ans, décrit également les violences encaissées jusqu’à son départ de la maison, à 18 ans. Pour avoir fait tomber «un gros pot en céramique», sa mère l’étrangle. Puis, pour le repas, «on m’a servi un flageolet dans mon assiette, c’était humiliant», dit-il, assurant que sa mère l’avait déjà «menacé de mort». Une autre fois, Cassandra et lui ont dû rester agenouillés des heures durant sur une règle de bois, en tenant un dictionnaire à bout de bras au-dessus de la tête. Le jeune homme se tourne alors vers sa mère : «Reconnais que tu es juste une criminelle. Assume !», lui lance-t-il, rappelant qu’Amandine était devenue dès son plus jeune âge le souffre-douleur de sa mère.

«Qu’est-ce que vous lui avez fait ?»

A ce moment de la journée, la quinquagénaire affirmait pourtant toujours ne pas comprendre «de quoi» sa fille est morte. Le président de la cour fait alors diffuser des photos. La première date de la rentrée 2019. «C’est votre fille. Elle n’a pas un grand sourire, mais elle a un joli visage», souligne le magistrat. «Et voilà le corps d’Amandine tel qu’on l’a retrouvée, au deuxième étage de votre maison», étendue sur le dos à même le sol, extrêmement amaigrie. Puis s’affiche un gros plan de son visage, tuméfié, orbites enfoncées, joues creusées, sang sur le front, cheveux arrachés, dents cassées.

Le magistrat la questionne.

– Qu’est-ce que vous n’avez pas vu, pas compris ? Elle s’est privée elle-même de manger ?

– Oui, je pense.

– Qu’est-ce que vous lui avez fait ? C’est le moment.

En vain. Sandrine P. reste le regard braqué sur le visage martyrisé de sa fille et ne dit toujours rien. Huit heures plus tard, après les témoignages de Cassandra et Jérémy et la diffusion de l’enregistrement audio des voisins, elle parle enfin. Une occasion unique pour essayer de comprendre pourquoi, et comment, a-t-elle pu en arriver là. Sandrine P. et Jean-Michel C. vont de nouveau avoir l’occasion de s’exprimer avant le verdict, attendu vendredi.