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Libération
Rappel à l'ordre

Influenceurs algériens : Bruno Retailleau trompette une nouvelle arrestation, le parquet critique une déclaration «prématurée»

Le ministre de l’Intérieur a communiqué ce mercredi 22 janvier sur l’interpellation de Rafik M., qui aurait «appelé à commettre des actes violents sur le territoire français sur TikTok». Le parquet de Paris a ensuite précisé que l’homme n’a pas été placé en garde à vue.
Bruno Retailleau à l'École nationale de police de Toulouse, le 25 octobre 2024. (Ulrich Lebeuf/Myop pour Libération)
publié le 22 janvier 2025 à 10h06
(mis à jour le 22 janvier 2025 à 14h42)

La liste s’allonge encore. Un nouvel influenceur algérien a été arrêté ce mercredi 22 janvier au matin, a annoncé Bruno Retailleau dans un message sur X (ex-Twitter). Le ministre de l’Intérieur a affirmé que l’homme, un dénommé Rafik M., «appelait à commettre des actes violents sur le territoire français sur TikTok». Dans la foulée, Beauvau a précisé que cette nouvelle interpellation a eu lieu dans le XIIIe arrondissement de Paris.

Contacté par Libération, le parquet de Paris déclare toutefois que l’homme n’est «à cette heure» pas en garde à vue, ce dernier devant «suivre des soins». Selon le parquet, «le PNLH [pôle national de lutte contre la haine en ligne, ndlr.] enquête sur un signalement effectué sur la plateforme PHAROS et portant notamment sur une republication de vidéo sans commentaire». Si du matériel informatique a été saisi pour «vérifier si des éléments matériels permettraient ou non de qualifier une infraction», rien n’est pour l’instant retenu contre Rafik M.

Le parquet prend par ailleurs soin de rappeler à Bruno Retailleau que «seule l’autorité judiciaire est légitime à communiquer sur une affaire judiciaire en cours, et qu’une personne qui n’est pas jugée est présumée innocente», dénonçant une «fuite prématurée», après le tweet de ministre.

Dans son message, Bruno Retailleau appelle à «ne rien laisser passer». Une formule qu’il avait déjà employée le 16 janvier dernier, après l’annonce de l’arrestation d’un autre influenceur algérien : Mahdi B. Ce dernier avait été interpellé trois jours plus tôt, après un signalement à la plateforme Pharos. Le ministre disait là aussi que Mahdi B. «vantait, en langue arabe, de vouloir commettre des actions violentes sur le sol français». Depuis, l’influenceur a été condamné à huit mois de prison et écroué.

Au total, dans un contexte de tensions entre Paris et Alger, notamment autour des dossiers du Sahara occidental et de l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal, au moins sept influenceurs algériens font désormais l’objet de signalements pour des appels à la haine sur TikTok.

Arrestations ou simple signalement

Deux influenceurs algériens avaient été interpellés dès le 3 janvier. Le premier, «Zazouyoussef», est soupçonné d’avoir diffusé sur TikTok des appels à la haine appelant notamment à commettre des attentats. Arrêté à Brest, il a ensuite été placé en détention provisoire à l’issue de sa garde à vue. Il doit être jugé le 24 février pour apologie d’un acte de terrorisme. Le second, «Imadtintin», a été interpellé et placé en garde à vue à Echirolles, dans la banlieue de Grenoble, pour des vidéos similaires. Il avait notamment publié un contenu appelant à «brûler vif, tuer et violer sur le sol français». Jugé en comparution immédiate le 6 janvier, son procès a été renvoyé en mars prochain. Il a été placé en détention provisoire.

Le 6 janvier, Sofia B., Abdesslam Bazooka et Laksas06 étaient signalés aux autorités près de Lyon. La première a été interpellée et placée en garde à vue trois jours plus tard. Placée sous contrôle judiciaire, elle doit comparaître devant le tribunal correctionnel de Lyon le 18 mars pour avoir publié des «menaces de mort» contre des opposants au gouvernement d’Alger, d’après le parquet de Lyon. De leur côté, Abdesslam Bazooka et Laksas06 n’ont pas été interpellés. Ils font simplement l’objet du signalement de la préfecture du Rhône du 6 janvier pour appel «à la haine ou à la violence». Selon une source policière l’AFP, Abdesslam Bazooka s’est enfui en Algérie mardi 7 janvier.

Le cas d’un autre influenceur, «Doualemn» - Boualem N. de son vrai nom - a été particulièrement médiatisé. Il a été interpellé dimanche 5 janvier à Montpellier, après que le maire de la ville et le préfet de l’Hérault ont signalé à la justice la publication sur TikTok d’une de ses vidéos, dans laquelle il appelait à la violence contre un manifestant algérien anti-régime. Cet agent d’entretien de 59, père de deux enfants, avait été expulsé le 9 janvier en Algérie, où il a été refusé. Il était de retour en France le soir même, placé en centre de rétention administrative (CRA). Il doit être jugé le 24 février pour «provocation publique à commettre un crime».

Bruno Retailleau avait estimé qu’en renvoyant «Doualemn» vers Paris, l’Algérie avait cherché à «humilier la France». De son côté, l’Algérie avait rejeté les accusations françaises «d’escalade» et «d’humiliation», en invoquant une «campagne de désinformation» contre Alger. Le 10 janvier, les avocats de Boualem N. ont tenu une conférence de presse à Montpellier, estimant que les influenceurs algériens ne devaient pas devenir des «fusibles» dans les relations entre Paris et Alger.

Mis à jour : à 12h35, avec l’ajout de la déclaration du parquet de Paris, ainsi que de contexte.