Quatre mois après l’annonce de la mise en examen d’Yves G., un «curé super cool» soupçonné d’«agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité», un collectif de soutien aux victimes publie ce lundi 29 septembre une lettre ouverte aux représentants des diocèses de Dijon et de Rabat, où a exercé le prêtre.
L’affaire, qui secoue la communauté catholique dijonnaise, a éclaté fin mai avec le témoignage dans la presse d’un jeune homme de 27 ans : Jean Jedrysek. Il a expliqué être sorti d’une amnésie traumatique après que le père Yves G. l’a contacté sur WhatsApp à son retour en France, après sept ans passés comme «prêtre Fidei Donum» - c’est-à-dire temporairement détaché de son diocèse d’origine pour une «mission» - au Maroc, entre 2017 et 2024. Jean Jedrysek a déposé plainte fin 2024 pour des faits remontant à 2010, lorsqu’il avait 12 ans. Après sa mise en examen, Yves G. a été incarcéré.
A lire aussi
Dans sa lettre ouverte, consultée par Libé, le collectif de soutien aux victimes «la Parole accueillie» formule ce lundi une liste d’une douzaine de questions d’une part à messeigneurs Roland Minnerath, Antoine Hérouard ; d’autre part à Vincent Landel et Cristobal Lopez Romero. Les deux premiers sont l’ancien et l’actuel archevêque de Dijon, le dernier est l’archevêque de Rabat depuis 2018.
«La vérité est le premier devoir dû aux victimes»
«Ces questions ne concernent pas la procédure d’instruction […] en cours mais ont trait à l’attitude et à la réponse des autorités ecclésiastiques face aux comportements réitérés» du père Yves G., souligne le courrier. Une copie de ce document a par ailleurs été envoyée au président de la conférence des évêques de France, le cardinal Jean-Marc Aveline.
Car Yves G. a officié dans de nombreuses paroisses autour de Dijon avant d’être «exfiltré», selon les mots du collectif, en 2017 à Rabat à la suite d’une première plainte, depuis classée sans suite. Il est rentré en France en 2024, après de nouvelles accusations au Maroc cette fois. «Y a-t-il eu des antécédents de signalements» avant le départ du prêtre au Maghreb, questionne par exemple le collectif. De la même manière, «les raisons exactes» de son départ ont-elles été communiquées au diocèse de Rabat ? Les faits qui concernent la première plainte classée sans suite ont-ils été signalés à Rome ? interroge encore «la Parole accueillie», qui a recensé une quinzaine de victimes.
Ces hommes aujourd’hui âgés de 25 à 40 ans, étaient tous mineurs au moment des faits présumés, précise Emmanuelle Dancourt – par ailleurs présidente de l’association MeTooMedia. Le collectif évoque le dépôt de trois autres plaintes. Sollicité à ce propos, le parquet de Dijon répond ce lundi à Libé ne pas communiquer «sur cette information judiciaire en cours».
Le nombre de victimes pourrait être bien plus important, avertit le collectif, qui tente donc de retrouver les jeunes qui ont été en contact avec le prêtre, dans la capitale du Maroc comme dans la préfecture de la Côte-d’Or. A ce titre, il réclame «la liste de toutes les affectations du père Yves G. et de tous les accompagnements qu’il aura faits en présence de jeunes, en France et au Maroc», arguant que «la vérité est le premier devoir dû aux victimes».
Les archevêques assurent avoir agi
Interrogé par l’AFP, l’archevêque de Rabat Mgr Romero a assuré n’avoir reçu «aucun signalement» concernant le prêtre. «C’est moi-même qui ai observé des comportements que j’estimais non convenables et dangereux pour un prêtre, ce que je lui ai fait savoir à lui et à son évêque» à Dijon, a-t-il expliqué à nos confrères. La justice n’a cependant pas été saisie car ces «comportements ne constituaient pas des actes délictuels». «J’ai cherché la façon d’aider le père Yves à se faire conscient de ses actes», ce qui «a consisté à un changement d’ambiance, suivi psychologique et accompagnement spirituel», a ajouté ajoute Mgr Romero.
A Dijon, Mgr Hérouard a quant à lui refusé de «médiatiser» les deux enquêtes en cours : celle de la justice pénale et celle canonique. «Les documents ont été transmis», a-t-il ajouté, assurant avoir pris «les restrictions nécessaires» après la plainte contre le prêtre. En novembre dernier, le père mis en cause a par exemple été interdit «de tout ministère auprès de mineurs» et «de se rendre dans ses anciennes paroisses», selon un communiqué du diocèse de Dijon. «Ma porte est ouverte pour recevoir des victimes éventuelles», a ajouté Mgr Hérouard auprès de l’AFP.