Dans les rangs de l’administration pénitentiaire, les gorges sont nouées, l’effroi sur toutes les lèvres. «On est KO debout», lâche Jérôme Massip, «trente-cinq ans de service», secrétaire général national du Syndicat pénitentiaire des surveillant(e)s (SPS). Quelques heures plus tôt, mardi 14 mai, quatre hommes ont ouvert le feu sur un fourgon pénitentiaire dans l’Eure, transportant un homme du tribunal judiciaire de Caen, où il était interrogé, vers la maison d’arrêt d’Evreux où il était incarcéré. Bilan : deux agents tués, trois autres blessés dont un avec un pronostic vital toujours engagé, et un détenu évadé. Mohamed Amra, 30 ans, été condamné à de multiples reprises, pour des vols aggravés et une extorsion, a précisé la procureure de Paris, Laure Beccuau.
Une attaque sanglante et une profession «sous le choc», «abasourdie», «anéantie», que deux des leurs soient tombés dans l’exercice de leur métier, une première depuis 1992. En réaction, une intersyndicale des principales organisations de l’administration – FO justice, Ufap, CGT pénitentiaire et le SPS – appelle «au blocage de l’ensemble des établissements et structures pénitentiaires», ce mercredi, pour «exprimer [son] émotion et [son] soutien aux collègues morts en service». «Cette journée doit être une journée “Prisons mortes” et pourra être reconductible», ajoutent-ils dans un communiqué rendu public en fin de journée. L’intersyndicale appelle également à observer une minute de silence à 11 heures dans l’ensemble de l’administration pénitentiaire. Les représentants de la profession seront ensuite reçus à 14 heures par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a indiqué la chancellerie.
«Tous les collègues sont touchés»
«Ça va être le feu dans les prisons», prévient Vincent Le Dimeet, secrétaire national du Snepap-FSU. «Notre métier est mal connu, critiqué, mais ce qui fait notre force c’est notre cohésion, ajoute-t-il. Quand il arrive un événement comme celui-là, c’est tous les collègues qui sont touchés.» Tous attendent déjà des explications sur les éventuelles failles ayant pu conduire à l’attaque. Et des réponses du ministère de la Justice, parmi lesquelles ils espèrent «une réduction drastique des extractions en favorisant l’utilisation de la visioconférence des magistrats ou leurs déplacements en établissements», et une «refonte et harmonisation des niveaux d’escorte», indique le communiqué de l’intersyndicale.
«Ce qui s’est passé met en perspective certaines réalités de notre métier, regrette encore Vincent Le Dimeet. On est passé à côté de plein de drames, mais à force d’avoir des politiques en place qui n’écoutent pas les agents de terrain qui font remonter les problèmes, à force de ne pas avoir de moyens ni pour l’administration pénitentiaire, ni pour les forces de l’ordre, ce qui devait arriver arriva : des collègues meurent.»