«Le fait d’essentialiser, de ne pas faire la distinction entre la majorité des musulmans qui s’intègrent à la République et les islamistes, est très grave, déplore dans un entretien publié ce mardi dans la Croix le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-Eddine Hafiz. Et «c’est ce que fait Michel Houellebecq», précise le directeur de l’institution. «Lorsqu’il évoque un “Bataclan à l’envers”’, on peut considérer qu’il va jusqu’à appeler les gens à s’armer», ajoute-t-il enfin, justifiant sa décision de saisir la justice en portant plainte contre l’écrivain pour «provocation à la haine contre les musulmans».
Début décembre, dans le troisième hors-série de la revue Front Populaire, Michel Onfray – fondateur de ladite revue – et Michel Houellebecq, avaient exposé leurs visions de la France dans un entretien croisé. Au programme, plus de quarante pages d’échange au cours desquels les deux hommes se livrent à des descriptions bien brunes, évoquant en substance idéologie woke et ensauvagement de la France en proie, selon eux, à une immigration incontrôlée.
«Brutalité sidérante»
Mais l’auteur de la Carte et le Territoire ne s’arrête pas en si bon chemin. Leur conversation nauséabonde dérivant sur les religions, il affirme : «Quand la Reconquista, modèle de la reconquête, a débuté, l’Espagne était sous domination musulmane. On n’est pas encore dans cette situation. Ce qu’on peut déjà constater, c’est que des gens s’arment. Ils se procurent des fusils, prennent des cours dans les stands de tir. Et ce ne sont pas des têtes brûlées. Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamiste, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par des musulmans, bref, des Bataclan à l’envers.» Et de résumer à ce sujet : «Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, c’est qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien autre solution, qu’il s’en aille.»
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Des propos d’une «brutalité sidérante» et qui, selon le recteur de la Grande mosquée de Paris, «entachent la dignité des musulmans, constituent une incitation à la haine et violent la loi sur la liberté de la presse de 1981». «Ces phrases lapidaires de Michel Houellebecq […] ne visent pas à éclairer un quelconque débat public mais à attiser les discours discriminatoires et les actes, étaye Chems-Eddine Hafiz dans le communiqué. Je demande donc à la justice de statuer.»
«Une brutalité sidérante»
Ce qui n’a pas empêché le Figaro, dans sa rubrique de débats «Vox», d’ouvrir ses colonnes à ce même Michel Onfray, au détour d’une «riposte» publiée lundi après-midi. Ce dernier, après un bref cours d’orthographe, assure que «les propos incriminés procèdent d’une citation et plus précisément d’une citation sortie de son contexte» à la suite d’un «échange de six heures» pour réaliser l’entretien dans sa revue.
Puis, concédant qu’«on a toujours tort de généraliser et j’ai aussi, ici, tort de généraliser», il estime néanmoins qu’«aucune pensée, aucun échange, aucune réflexion ne sont possibles si l’on ne généralise pas pour les besoins de la conversation, du débat et du dialogue qui, justement, jouent de ces approximations dues aux généralisations». Onfray rejette surtout la faute sur «la partie des musulmans» qui peut se sentir «blessée» par les propos méphitiques de Houellebecq car, selon lui, «elle n’a pas le souhait de dialoguer, d’échanger, de débattre, de s’installer dans les jointures de ces approximations inévitablement dues aux généralisations, aux essentialisations, et qu’elle préfère juger, sinon condamner, plutôt que d’échanger ou même : avant que d’échanger».
Et Onfray finit par invoquer la liberté d’expression et la liberté de la presse, affirmant qu’il croit «aux débats intellectuels, même vifs, mais pas aux prétoires où les arguties des avocats ne se soucient guère de vérité, de justesse et de justice». Oubliant au passage que ces libertés sont encadrées par des lois, qui condamnent fermement ces «généralisations» lorsqu’elles prennent la forme d’une provocation publique à la haine raciale. Et que ce n’est pas à lui, mais à la justice de trancher.