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Justice

Après son arrestation à Londres en vertu d’une loi antiterroriste, un éditeur de La Fabrique dédommagé pour avoir subi un «abus de pouvoir»

Il y a un an, un des responsables de la maison d’édition indépendante engagée à gauche avait été arrêté à sa sortie de l’Eurostar par la police britannique, puis détenu toute une nuit après un interrogatoire sur sa vision de la réforme des retraites ou encore d’Emmanuel Macron.
Devant l'ambassade britannique à Paris, le 18 avril 2023, lors d'une manifestation pour demander la libération d'Ernest Moret. (Telmo Pinto/NurPhoto.AFP)
publié le 26 avril 2024 à 19h42

Soir de fête aux éditions La Fabrique. Un peu plus d’un an après l’arrestation, à Londres, d’un des responsables de la maison d’édition indépendante engagée à gauche, la police britannique a accepté de lui verser des dommages et intérêts pour «abus de pouvoir». «Le commissaire de la Metropolitan Police a fort heureusement accepté de régler cette plainte sans recourir à la procédure judiciaire», a précisé l’avocat britannique de l’éditeur, Me Richard Parry, dans un communiqué rendu public ce 26 avril. «Ce dédommagement entérine et établit que cette arrestation était injustifiée et arbitraire», ont salué auprès de Libération les éditions La Fabrique. Les poursuites à l’encontre du salarié de la maison d’édition avaient déjà été abandonnées en juin dernier, «le critère de la preuve n’ayant pas été rempli», a indiqué son avocat.

Ernest, responsable des droits étrangers de La Fabrique, avait été arrêté le 17 avril 2023 sur un quai de gare, alors qu’il venait d’arriver au Royaume-Uni pour participer à la Foire aux livres de Londres. Selon la police britannique citée par le Guardian, cette interpellation aurait été réalisée dans le cadre de contrôles mis en œuvre à la frontière du pays. Il avait alors «pleinement coopéré en répondant aux questions de la police et les agents du Met Counter Terrorisme Command présents ont conclu qu’il ne représentait pas une menace pour la sécurité nationale», rappelle son conseil. Mais les autorités britanniques ne se sont pas arrêtées là. «Ils lui ont tout de même demandé s’il avait participé à des manifestations antigouvernementales en France et ont exigé que son téléphone et son ordinateur portable soient confisqués et examinés.»

Ernest a refusé cette dernière requête «injustifiée», et sera alors maintenu détenu tout au long de la nuit avant d’être interrogé par la police «puis libéré sous caution tandis qu’une plainte était soumise au Crown Prosecution Service (CPS) en vue d’une inculpation dans le cadre du Terrorism Act». «Ernest a été interrogé pendant plusieurs heures et lui ont été posées des questions très troublantes : son point de vue sur la réforme des retraites en France, sur le gouvernement français, sur Emmanuel Macron, son avis sur la crise du Covid…», avait alors rapporté la maison d’édition dans un communiqué. «Il lui a été demandé de nommer les auteurs antigouvernementaux” du catalogue des éditions», relate par ailleurs La Fabrique.

Me Richard Parry a salué le règlement de la compensation financière, mais a appelé le commissaire de la Metropolitan Police à «présenter des excuses complètes». En juillet, l’Independent Reviewer of Terrorism Legislation, chargé d’examiner le fonctionnement des lois britanniques sur le terrorisme, avait reconnu que l’interpellation n’aurait pas dû avoir lieu et que la détention était illégale. Son rapporteur a également déclaré que «des garanties supplémentaires [étaient] nécessaires pour s’assurer que cela ne se répète pas.» Et d’insister : «Il s’agissait d’une enquête d’ordre public pour laquelle il n’a jamais été prévu d’utiliser les pouvoirs de lutte contre le terrorisme. Les droits à la liberté d’expression et de protestation sont trop importants dans une démocratie pour permettre que des individus fassent l’objet d’une enquête pour terrorisme éventuel simplement parce qu’ils ont pu être impliqués dans des manifestations qui ont tourné violentes.» Des recommandations qu’Ernest souhaite désormais voir «être suivies d’effet».