Le crime visant l’un des plus célèbres avocats de Corse avait provoqué une onde de choc et ouvert la chasse à la mafia de l’île. Trois membres présumés de la bande criminelle du Petit Bar sont jugés à partir de ce lundi 3 novembre et jusqu’à mi-décembre, pour leur rôle supposé dans l’assassinat de l’avocat Antoine Sollacaro à Ajaccio en 2012.
Treize ans la mort de celui qui était notamment le conseil d’Yvan Colonna et de l’ex-dirigeant nationaliste Alain Orsoni, ce procès s’ouvre à 14 heures devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, avec l’hypothèque d’une absence pour raisons de santé du principal accusé.
Portrait
Le 16 octobre 2012, comme chaque matin, l’ancien bâtonnier de 63 ans s’arrête dans une station-service du bord de mer d’Ajaccio pour acheter son journal. Assis au volant de sa Porsche Carrera, il est exécuté de neuf balles, dont cinq dans la tête, par le passager d’une moto.
Cet assassinat, le 15e en Corse en 2012 et le premier depuis vingt ans en France d’un avocat, bouleverse. «C’est la justice toute entière qui est touchée», réagit la garde des Sceaux de l’époque, Christiane Taubira, parlant d’«onde de choc». Le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers sont d’ailleurs partie civile au procès. Et chaque 16 octobre depuis, des robes noires - avocats, magistrats, greffiers - se rassemblent sur les marches du tribunal d’Ajaccio en hommage.
Cette année, à l’approche du procès, sa veuve y a pour la première fois pris la parole. «J’aimerais que la justice passe, vraiment», a lancé Jeannine Farioli-Sollacaro. «Je ne voudrais pas que ce (procès) soit une mascarade.» D’autant que «ce sera pour lui sa dernière cour d’assises», a ajouté sa fille, Anna-Maria Sollacaro, avocate comme son père.
Le «cerveau» inapte à comparaître
Si la famille exprime ses craintes, c’est que Jacques Santoni, chef présumé du Petit Bar et décrit par la justice comme «le commanditaire» et le «cerveau» de l’assassinat d’Antoine Sollacaro, pourrait ne pas être jugé du fait de son état de santé.
Poursuivi pour complicité d’assassinat et association de malfaiteurs, ainsi que, dans un dossier joint, pour complicité de tentative d’homicide volontaire en bande organisée la même année sur Charles Cervoni, réputé proche de l’ex-leader nationaliste Alain Orsoni, l’homme de 47 ans est tétraplégique et a été déclaré inapte à comparaître, a conclu une expertise rendue à quelques jours de l’ouverture du procès.
L’accusation estime cependant que des aménagements sont possibles afin qu’il soit jugé en personne, comme par exemple sa présence dan un lit médicalisé. Paul Sollacaro, fils du bâtonnier et également avocat, met quant à lui «au défi Jacques Santoni de venir s’expliquer devant la cour d’assises». Ce débat devrait dominer les premières heures d’audience, avec à la clé une possible disjonction de son cas, voire un renvoi.
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Autre membre présumé du Petit Bar, André Bacchiolelli sera jugé pour l’assassinat d’Antoine Sollacaro et la tentative sur Charles Cervoni. Enfin, Mickaël Ettori, présenté par l’accusation comme un «proche lieutenant de Jacques Santoni» et en fuite depuis 2020, sera jugé en son absence, notamment pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes. Tous nient les faits.
Si l’arme du crime n’a pas été retrouvée et qu’aucun ADN n’a permis de confondre les auteurs, la juge d’instruction dit dans son ordonnance s’être notamment appuyée sur les déclarations de Patrick Giovannoni, une «petite main» de cette bande selon les enquêteurs, qui a obtenu en 2015 le statut de repenti et sera le 4e accusé au procès. Gestionnaire du stock d’armes du Petit Bar, il avait affirmé avoir reçu les confidences de Jacques Santoni, qui aurait déclaré après la mort de l’avocat : «C’est nous qui avons tapé».
Patrick Giovannoni est, lui-même, renvoyé pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de la tentative d’assassinat de Charles Cervoni. Son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, a fait savpor qu’il allait «demander le huis-clos» pour ce procès.