Après des semaines d’attente, la demande de la famille de Samuel Paty pour élucider les «failles» ayant conduit à l’assassinat de l’enseignant a enfin été entendue. La conférence des présidents du Sénat a acté la création d’une commission d’enquête mercredi 14 juin, qui a été validée ce jeudi 15 juin par un vote du Sénat.
Une partie de la famille de Samuel Paty avait par avance exprimé son «soulagement» : c’est aussi «le désir ardent que soit répondu à des questions», a souligné Me Virginie Le Roy, leur avocate sur Radio classique. Selon l’avocate, il y a eu «des dysfonctionnements à tous les niveaux, concernant aussi bien le ministère de l’Education nationale que celui de l’Intérieur. Un loupé général, avec des conséquences dramatiques».
Formellement, ce sont la commission de la Culture et de l’Education et la commission des Lois qui ont demandé à se voir conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois. Elles entendent mener «une mission conjointe de contrôle afin d’examiner la question du signalement et du traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes». Dans les faits, l’enquête du Sénat devrait ainsi se concentrer sur les éventuels dysfonctionnements de l’Etat et non sur la partie judiciaire du dossier.
«S’il était «possible» et «prévisible» qu’il soit a minima agressé physiquement, pourquoi mon frère n’a-t-il pas été mis sous protection ?» C’est dans une lettre ouverte publiée dans le journal en ligne Factuel que Mickaëlle Paty avait choisi mercredi 24 mai d’interpeller l’Etat et, plus précisément, le président du Sénat Gérard Larcher (LR) et le président de la commission des lois, François-Noël Buffet.
«Demander des comptes aux personnes responsables de la mauvaise gestion»
Ce dernier avait déjà répondu jeudi 25 mai au micro de Public Sénat, annonçant que l’institution se saisira bien du sujet. «J’ai reçu sa lettre, je vais prendre contact avec elle assez rapidement et lui répondre. Nous allons réfléchir à une façon de répondre favorablement à sa demande. Nous ne pouvons pas laisser une famille dans l’ignorance, en tout cas nous avons besoin d’avancer. Nous allons prendre des initiatives très rapidement dès la semaine prochaine», expliquait le président de la commission des Lois.
La sœur de l’enseignant, assassiné en octobre 2020 dans un attentat islamiste, souhaite pouvoir «demander des comptes aux personnes responsables de la mauvaise gestion, du traitement erroné de la menace pesant sur [s] on frère et du défaut de prévoyance qui en a découlé». Dans ce courrier daté de lundi 22 mai, elle demandait «l’ouverture d’une enquête parlementaire afin d’établir les failles de ce drame et de tenter d’en colmater les brèches». L’enquête judiciaire est désormais clôturée depuis deux semaines, laissant ainsi la possibilité de lancer une commission parlementaire, les deux procédures ne pouvant se superposer. Des juges d’instruction antiterroristes ont ordonné le 16 mai dernier le jugement de huit personnes devant les assises et de six devant le tribunal pour enfants.
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En réponse, mercredi 24 mai, le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a assuré souhaiter que soit examinée avec «attention» et «empathie respectueuse» la demande d’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur les «dysfonctionnements» qui ont conduit à l’assassinat de Samuel Paty, formulé par sa famille. Pour Gérard Larcher, Samuel Paty a «apporté sa part, plus que sa part puisqu’il a donné sa vie pour des principes éducatifs». Sa famille et «un certain nombre de ses collègues […] méritent que nous examinions cette demande avec attention, volonté de justice et en même temps, une forme d’empathie respectueuse», avait-il ajouté sur CNews.
Le 16 octobre 2020, l’enseignant en histoire-géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d’origine tchétchène. Cet islamiste radicalisé avait été abattu dans la foulée par la police. Il reprochait au professeur d’avoir montré en classe, lors d’un cours sur la liberté d’expression, des caricatures de Mahomet.
La famille de Samuel Paty avait déjà porté plainte le 6 avril 2022 contre les ministères de l’Intérieur et de l’Education, les accusant de ne pas avoir anticipé la menace.
Mis à jour : jeudi 15 mai à 11 h 13, avec l’annonce du vote du Sénat.