Des peines de 14 mois de prison avec sursis à six mois de prison ferme - aménagés sous bracelet électronique - ont été prononcées ce vendredi 8 décembre à Paris à l’encontre de six ex-collégiens jugés pour leur implication dans l’assassinat du professeur Samuel Paty par un jeune jihadiste en 2020. Des peines ordonnées au regard «de la gravité des faits», de leur «personnalité» et «évolution», et alors que les infractions sont «parfaitement établies», a déclaré le tribunal pour enfants dans son jugement, lu en audience publique après deux semaines d’un procès à huis clos.
Pendant deux semaines, six anciens collégiens ont comparu devant le tribunal pour enfants de Paris lors d’un procès à huis clos pour leur implication dans l’attentat djihadiste à l’encontre du professeur Samuel Paty en 2020. Cinq d’entre eux, à l’époque âgés de 14 et 15 ans, comparaissaient pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées. La sixième, 13 ans au moment des faits, a été jugée pour dénonciation calomnieuse pour avoir, à tort, accusé le professeur d’islamophobie.
Le 16 octobre 2020, l’enseignant en histoire-géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, réfugié russe d’origine tchétchène. L’homme de 18 ans, radicalisé, lui reprochait d’avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d’avoir «vengé le prophète». L’enquête avait retracé comment, en dix jours, le piège s’était refermé sur Samuel Paty : du mensonge de la sixième prévenue aux attaques sur internet, jusqu’à l’arrivée de l’assaillant devant le collège, où il avait donné 300 euros à des collégiens pour identifier l’enseignant, qu’il voulait «filmer en train de s’excuser».
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Le procès, qui s’est ouvert le 27 novembre, s’est terminé vendredi matin avec les derniers mots des prévenus, aujourd’hui lycéens. Lors d’auditions pendant l’enquête où ils s’étaient effondrés en larmes, ces collégiens avaient juré avoir imaginé que le professeur se ferait tout au plus «afficher sur les réseaux», peut-être «humilier», «taper»… mais «jamais» que ça irait «jusqu’à la mort». Au premier jour d’audience, les jeunes prévenus étaient arrivés au tribunal le visage camouflé sous leurs manteaux, certains portants des lunettes de soleil ou un masque chirurgical, accompagnés de leurs parents et leurs avocats. Avant eux, étaient entrés dans la salle certains proches de Samuel Paty, dont ses parents, visages fermés, ainsi qu’une dizaine d’anciens collègues du professeur qui ont demandé à se constituer parties civiles au procès, par «besoin de comprendre».
Dans cette affaire, un second procès est prévu fin 2024 pour huit adultes. Ces majeurs comparaîtront devant une cour d’assises spécialement composée avec au premier rang les deux amis de l’assaillant, soupçonnés d’avoir eu une connaissance précise du projet terroriste d’Anzorov. Mais également le père de la collégienne à l’origine de la polémique, qui avait alimenté une violente campagne sur les réseaux sociaux contre l’enseignant. Quatre autres adultes seront également jugés pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.
La menace à l’égard de professeurs persiste en France. Un professeur de Cognac, en Charente, a été menacé de mort la semaine dernière par un lycéen car il porte le même nom que Samuel Paty. L’adolescent a été exclu à titre conservatoire et le professeur a porté plainte. En Gironde, la moitié des enseignants d’un lycée de Libourne exercent leur droit de retrait depuis lundi, après qu’une lettre anonyme, ouvertement raciste, a menacé de mort une professeure et les élèves d’origine «arabe». Un autre professeur, Dominique Bernard, a récemment été assassiné à Arras, par un jeune islamiste radicalisé, ravivant l’émotion provoquée par la mort de Samuel Paty trois ans plus tôt.