Flairant la polémique, l’entourage du ministère de l’Intérieur s’est empressé, vendredi, de mettre en avant «la protection absolue» dont bénéficiait l’assaillant de l’attentat d’Arras. Mohammed Mogouchkov, né en 2003 à Malgobek, dans la république russe d’Ingouchie, voisine de la Tchétchénie et à majorité musulmane, avait déposé sa première demande d’asile en son nom dès sa majorité, en mars 2021 : refusée par l’Ofpra, puis par la CNDA, l’année suivante. L’assaillant, interpellé après avoir tué un enseignant au lycée Gambetta-Carnot d’Arras et blessé trois autres personnes au sein de l’établissement, avait seulement cinq ans lorsqu’il est arrivé en France avec sa famille. «Cela fait quinze ans que la loi française, malheureusement, empêche le ministre de l’Intérieur d’expulser les personnes qui sont arrivées avant 13 ans sur le territoire national», justifiait vendredi soir Gérald Darmanin sur le plateau de TF1.
Et que dit-elle, cette loi française ? «Que la protection absolue n’existe pas», assure Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes. Certes, des catégories de personnes protégées existent, notamment celles arrivées en France avant l’âge de 13 ans. Mais des exceptions existent aussi. Selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, des expulsions peuvent être prononcées «en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, la haine, ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes».
Mohammed Mogouchkov était fiché S (pour Sûreté de l’Etat) et faisait l’objet d’un suivi actif de la DGSI, en raison de sa radicalité islamiste. Mais il ne s’agit de simples mesures de signalement, qui n’ont rien à voir avec une décision judiciaire. L’agresseur a été arrêté à Arras vendredi et se trouvait toujours en garde à vue samedi de même qu’une grande partie de sa famille, notamment sa sœur, sa mère, son oncle et deux de ses frères, dont l’un a été extrait de la cellule où il est détenu pour «association de malfaiteurs terroristes». Une source de l’enquête confirme auprès de Libération que Mohammed Mogouchkov n’avait jamais été condamné avant son passage à l’acte. Il était donc bien inexpulsable.