La justice a ordonné ce jeudi 31 juillet un procès contre six personnes dans l’affaire de l’attentat de la rue des Rosiers, plus de quarante ans après les faits. Le Parquet national antiterroriste (Pnat) avait annoncé mercredi 9 juillet avoir requis ce renvoi dans l’enquête sur l’attentat antisémite qui avait fait six morts et vingt-deux blessés en 1982 dans le centre de Paris.
Le Pnat demandait un procès devant la cour d’assises spéciale pour Abou Zayed, 66 ans, accusé d’être l’un des tireurs de l’attentat et détenu en France depuis fin 2020, ainsi que pour H. T., 65 ans, mis en examen en avril car soupçonné d’avoir caché des armes à l’époque, et actuellement sous contrôle judiciaire. Quatre autres personnes sont mises en cause. Localisées en Cisjordanie, en Jordanie et au Koweït, elles font l’objet d’un mandat d’arrêt.
«Désigné de manière constante et concordante»
Le 9 août 1982, un commando avait attaqué à la grenade puis au pistolet-mitrailleur le restaurant casher Jo Goldenberg, en plein quartier juif de Paris, rue des Rosiers. Ils avaient ensuite quitté les lieux en tirant sur les passants. L’attentat avait été attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d’Abou Nidal, un groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Le principal suspect, Abou Zayed, a été extradé de Norvège fin 2020 et incarcéré. Il est «expressément désigné comme l’auteur des assassinats et tentatives d’assassinats, de manière constante et concordante depuis près de quatorze ans par plusieurs témoins», même s’il a été mis hors de cause par deux autres hommes, soulignait le Pnat dans ses réquisitions.
Dans l’ordonnance de mise en accusation, le juge d’instruction ordonne donc un procès contre Abou Zayed et H. T., et les quatre hommes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, localisés en Cisjordanie, en Jordanie et au Koweït. «Cette décision est une escroquerie. D’abord pour les victimes à qui on fait honteusement croire que la justice a trouvé l’un des responsables de leur douleur. Ensuite pour le droit car cette enquête n’est absolument pas terminée et ce renvoi a pour seul but de maintenir notre client en prison», ont réagi les avocats d’Abou Zayed, Romain Ruiz et Bruno Gendrin.
Abou Zayed avait pour la première fois reconnu en 2022 devant le juge d’instruction appartenir au groupe Abou Nidal. Mais il a soutenu n’être «qu’un simple administratif» au sein du comité militaire, devenu comité des opérations spéciales en 1983, de ce groupe et n’avoir «jamais» séjourné «à l’étranger, à plus forte raison pour exécuter ou superviser une opération terroriste», est-il rappelé dans l’ordonnance.
Mais pour le juge d’instruction, Abou Zayed était «un opérationnel très actif», un «exécutant puis superviseur» de ce comité ayant participé en Europe à des attentats et assassinats, comme l’attestent plusieurs témoignages.
Ascenseur émotionnel
L’ordonnance du juge d’instruction était très attendue des parties civiles. «Sentiment ambigu pour mes clientes aujourd’hui, entre l’immense soulagement de savoir que la République n’abandonne pas ses victimes, malgré les années passées et les errements judiciaires et politiques, et le regret de constater que c’est un procès incomplet qui s’annonce, avec plusieurs accusés réfugiés à l’étranger», a commenté Romain Boulet.
David Père, qui représente dix victimes et l’Association française des victimes du terrorisme (AfVT), rappelle l’«ascenseur émotionnel très difficile au long de la procédure avec notamment les demandes d’extradition refusées par la Jordanie».