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Justice

Attentat de Magnanville en 2016: le procès en appel s’ouvre ce lundi

Mohamed Lamine Aberouz avait été condamné en octobre 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité dans l’assassinat d’un couple de policiers des Yvelines, il y a neuf ans. Il est jugé à nouveau à partir de ce lundi 26 mai, jusqu’au 20 juin.
Lors d'une marche en hommage aux deux policiers, le 16 juin 2016. (Dominique Faget/AFP)
publié le 26 mai 2025 à 11h37

Le procès en appel de Mohamed Lamine Aberouz, condamné fin 2023 en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de vingt-deux ans pour complicité dans l’assassinat d’un couple de policiers à leur domicile de Magnanville (Yvelines) en juin 2016, s’ouvre ce lundi 26 mai à Paris. Il est prévu jusqu’au 20 juin.

Tout au long de son premier procès, l’accusé a clamé son innocence et soutenait n’être aucunement impliqué dans l’attentat perpétré, au nom du groupe Etat islamique, par son ami d’enfance Larossi Abballa, assassin de Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing, à leur domicile, devant leur fils de 3 ans.

«C’est pour notre client l’audience de la dernière chance. Il est face à deux issues : l’acquittement ou la condamnation indue pour un crime qu’il n’a pas commis, près de neuf ans après les faits», ont expliqué ses avocats, Vincent Brengarth et Nino Arnaud. «L’accusé est un des islamistes français les plus dangereux», estime au contraire Me Thibault de Montbrial, qui défend la famille de la policière.

Peine maximale en première instance

Mohamed Lamine Aberouz, 31 ans aujourd’hui, avait été reconnu en octobre 2023 coupable de tous les chefs d’accusation à son encontre ; dont complicité d’assassinats terroristes sur personne dépositaire de l’autorité publique. «Les faits sont d’une gravité extrême. La famille de Jessica Schneider attend la confirmation de la première condamnation, qui est parfaitement motivée», a expliqué Me de Montbrial en amont du procès en appel.

«Ce moment n’apportera pas toutes les réponses aux nombreuses interrogations qui subsistent, mais il constitue un passage nécessaire sur le chemin de la vérité et de la mémoire», a souligné dans un communiqué Me Pauline Dufourq, avocate de la famille de Jean-Baptiste Salvaing. On ignore par exemple comment ce couple de policiers est devenu la cible d’un islamiste radical. De la même manière, on ne sait toujours pas si leur meurtrier, Larossi Abballa, a agi seul, le soir du 13 juin 2016.

Ce jour-là, Jessica Schneider, 36 ans, fonctionnaire de police au commissariat de Mantes-la-Jolie, a été égorgée à son domicile sous les yeux de son fils. Un peu plus tard, son compagnon, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant au commissariat des Mureaux, a été poignardé de neuf coups de couteau alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui. Il a eu le temps de donner l’alerte avant de succomber.

Mohamed Lamine Aberouz affirme qu’il n’était pas présent sur la scène du crime le soir de l’attentat. «Le seul coupable», a-t-il assuré lors du premier procès, est Larossi Abballa, abattu lors de l’assaut des policiers du RAID pour libérer l’enfant du couple retenu en otage.

Deux «méchants» et une trace ADN

Quelques semaines après l’attentat, l’enfant du couple, qui vit chez sa tante paternelle, avait évoqué «deux méchants» en manipulant des figurines lors d’une séance avec sa psychologue. L’un qui voulait le «tuer» et l’autre qui avait répondu : «Non, pas encore». A la barre lors du premier procès, sa tante a expliqué que l’enfant «n’a pas donné de précisions sur la deuxième personne, si elle était sur un écran ou si c’était une personne physique».

Une trace ADN de l’accusé, retrouvée sur l’ordinateur du couple, avait été au centre des débats lors du procès en première instance, devant la cour d’assises spéciale de Paris. Elle constitue le seul élément matériel attestant de la possible présence de Mohamed Lamine Aberouz sur place. «L’ADN de l’accusé sur les lieux est clair et net et localisé à un endroit cohérent avec sa participation», estime Me de Montbrial.

La défense de Mohamed Lamine Aberouz, elle, avait soutenu que cette trace provenait d’un «transfert» d’ADN entre la voiture de Larossi Abballa, où ont aussi été isolées des traces génétiques appartenant à l’accusé, et l’ordinateur des victimes. Cette thèse avait été jugée «peu probable» par des experts qui ne l’avaient cependant pas totalement exclue.

«La juridiction de première instance n’a pas su tirer les conclusions des doutes très forts sur la trace ADN retrouvée au domicile des victimes, alors que rien ne corrobore la présence de notre client», affirment les avocats de Mohamed Lamine Aberouz. «On ne demande pas à une juridiction d’écrire l’histoire d’une complicité éventuelle mais de la démontrer, ce qui n’a pas été fait. Raisonner autrement, c’est faire le choix de l’arbitraire et créer les conditions de l’erreur judiciaire», ont-ils insisté.

Larossi Abballa, «totalement acquis à la cause de l’Etat islamique», selon la cour de première instance, était un proche du frère aîné de Mohamed Lamine Aberouz, Charaf-Din Aberouz, condamné en 2013 à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste. Souvent présent à l’audience lors du procès de son frère cadet, Charaf-Din Aberouz, initialement poursuivi dans le dossier Magnanville avant de bénéficier d’un non-lieu, est actuellement mis en examen pour menaces de mort contre l’avocat défendant la famille de Jessica Schneider.