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Justice

Attentat de Puget-sur-Argens : Christophe B. mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste et écroué

Le suspect dans l’attaque terroriste qui a fait un mort et un blessé le week-end dernier dans le Var reconnaît les faits, mais nie toute motivation raciste et toute intention terroriste.
Une des allées de la copropriété abritant des box d'entreprise, à Puget-sur-Argens le 3 juin 2025. (Laurent Carre /Libération)
publié le 5 juin 2025 à 14h21
(mis à jour le 5 juin 2025 à 19h56)

Christophe B. a été mis en examen jeudi 5 juin et écroué pour assassinat terroriste en raison de l’origine d’Hichem Miraoui, un quadragénaire tunisien abattu samedi à Puget-sur-Argens (Var), a annoncé le Parquet national antiterroriste (Pnat).

Son avocat, Me Reda Ghilaci, a indiqué à l’AFP concernant son client de 53 ans, de nationalité française, que «la réalité matérielle du dossier est à ce stade très claire : la qualification terroriste, comme l’intention raciste, sont particulièrement contestables en droit et contestées».

Une information judiciaire a été ouverte pour assassinat et tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, ainsi que pour association de malfaiteurs terroriste après le meurtre d’Hichem Miraoui à Puget-sur-Argens (Var), avait annoncé plus tôt dans la journée le Parquet national antiterroriste (Pnat) dans un communiqué.

Selon la même source, dans le cadre de sa garde à vue, Christophe B. a reconnu «la matérialité des faits». En revanche, «il conteste toute motivation raciste à ses actes, ainsi que toute intention terroriste», ajoute le Pnat.

«Aucune pathologie ou anomalie mentale»

Dans son communiqué, le Pnat revient en détail sur la soirée sanglante qui a mené à la mort d’Hichem Miraoui. Le samedi 31 mai, Christophe B. passait la journée avec sa femme et un couple d’amis, «journée au cours de laquelle une consommation d’alcool était relevée». Rentré à leur domicile dans la soirée, l’homme paraît particulièrement énervé selon sa femme et tire une première fois «à l’intérieur du domicile, sans viser personne». Mais Christophe B. sort ensuite et prend le volant de sa Nissan Navara, puis croise son voisin, Hichem Miraoui, qu’il tue «en tirant dans sa direction à plusieurs reprises».

Christophe B. se gare alors, à 22 h 26 selon la vidéosurveillance, devant le logement d’un autre voisin. Là, toujours depuis sa voiture, il tire à plusieurs reprises «en direction de la baie vitrée», puis quitte les lieux avant que deux personnes sortent du logement visé. Toujours selon le Pnat, Christophe B. revient à leur hauteur et tire deux nouvelles fois en leur direction, «blessant l’un d’entre eux à la main», pour finalement prendre la fuite. Il sera finalement interpellé le dimanche 1er juin à 5 h 10 à Puget-sur-Argens, «après des échanges avec le négociateur du GIGN».

Dans sa voiture, les gendarmes ont retrouvé «deux armes de poing semi-automatiques et deux armes d’épaule, quatre chargeurs garnis de munitions» et «plus de 1 000 munitions de divers calibres». Deux autres armes ont été saisies au domicile de Christophe B., tireur sportif détenant tous ses équipements avec autorisation. Le Pnat ajoute que l’«examen psychiatrique réalisé dans le temps de la garde à vue ne met en évidence aucune pathologie ou anomalie mentale» chez le suspect.

En plus des deux victimes principales, Hichem Miraoui, 45 ans, et un voisin de nationalité turque de 35 ans, le Pnat ajoute que «plusieurs autres victimes, occupantes de logements situés à proximité immédiate des tirs, sont particulièrement choquées».

«Proximité» avec le Rassemblement national

C’est la première fois depuis sa création en 2019 que le Pnat se saisit d’une enquête dans le cadre d’un attentat non déjoué inspiré par une idéologie d’extrême droite. Christophe B., 53 ans, avait publié quatre vidéos sur son compte Facebook avant et après son passage à l’acte. Dans ces documents, qui font office de manifeste raciste, le suspect appelle notamment à «vote[r] bien la prochaine fois», multipliant par la même occasion les propos d’extrême droite et encourageant ceux qui seraient d’accord à faire comme lui. Selon plusieurs médias, Christophe B. y fait également référence à Jean-Marie Le Pen. Le Monde, qui a consulté le profil Facebook du suspect, détaille sa «proximité» avec le Rassemblement national (RN). Il partageait notamment des contenus de cadres, actuels ou anciens, de Gilbert Collard à Marine Le Pen, en passant par David Rachline.

Des informations confirmées par le Pnat, qui écrit que «une première exploitation» des réseaux sociaux de Christophe B. «met au jour de très nombreuses publications portant notamment sur le terrorisme, les étrangers, l’islam, l’ultra-droite ou ciblant les instances gouvernementales françaises».

«Un climat raciste en France»

La mort d’Hichem Miraoui, 46 ans, a suscité un fort émoi dans le pays et en premier lieu à Puget-sur-Argens, où une marche blanche est prévue dimanche 8 juin. Une autre doit également avoir lieu le même jour à Marseille. Côté politique, le très droitier ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, parlait lundi d’«un crime qui était prémédité et signé», ainsi que d’un «crime raciste». Le locataire de Beauvau ne s’est néanmoins toujours pas rendu sur place.

Mercredi soir, au tribunal judiciaire de Paris, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a fait un lien direct entre la banderole déployée il y a un an par un groupe identitaire pour dénoncer la présence d’Aya Nakamura à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et l’attentat commis par Christophe B. «Ces personnes [les prévenus, membres du groupuscule «les Natifs», ndlr] sont les auteurs de propos graves qui installent un climat raciste en France, a-t-il déclaré à la barre. Ces dernières heures, il y a eu un crime raciste terrible dans le Var. Cela vient de cette logique d’excitation constante que l’on entend depuis plusieurs années.»

De son côté, le RN a à la fois condamné un «meurtre abject» – Marine Le Pen – et un «assassinat aux motifs racistes qui révulse la France» – Jordan Bardella –, mais a, dans le même temps, nié par la voix de son député Sébastien Chenu, tout lien entre le discours anti-immigration du RN et la haine raciste de Christophe B.

Avec douze attentats déjoués depuis 2017, l’extrême droite reste la deuxième menace terroriste en France derrière le jihadisme.

Mis à jour à 15h10 avec davantage d’éléments.

Mis à jour à 19h55 avec la mise en examen de Christophe B. et la réaction de son avocat.